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L’Amérique
avant Christophe Colomb
En l’an 551, saint Brendan l’Irlandais
débarque en Floride. Et puis, suivront les farouches Vikings
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Saint
Brendan, moine irlandais, venu d’Irlande en barque avec
14 autres moines, débarqua en Floride en 551. Le premier
– et le vrai – « découvreur » de
l’Amérique, c’est lui. Comme cette thèse
avait longtemps été controversée, l’Anglais
Severin réédita l’exploit de Brendan en 1976.
En 986, Eirik Rauda – plus connu sous le nom d’Erik-le-Rouge
– et ses Vikings, venus d’Islande, s’installèrent
au Groenland et y installèrent une colonie de plusieurs
centaines d’hommes. De là, de nombreux de ces marins
lancèrent des raids en direction de ce qui est aujourd’hui
Terre-Neuve, le Canada et les Etats-Unis.
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Modèle
de camp fortifié |
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Ces raids
sont relatés – et étayés de détails
précis – dans de nombreuses sagas, dont la "Groenland
Saga" et la "Karlsefni Saga". Même si certaines
informations – retranscrites après plusieurs dizaines
d’années de tradition orale – sont à
examiner avec prudence, il est des faits qui ont valeur historique.
Navigateurs audacieux, les Vikings, disposaient de canots de
cent pieds de long, pourvus d’une voile et d’une
soixantaine de rameurs et pouvant transporter jusqu’à
quarante tonnes : les drakkars.
En
l’an 1001, un drakkar de 35 hommes, dirigés par
le fils d’Erik-le-Rouge, Leif Erikson, accoste sur une
terre qui sera baptisée Helluland : la
« terre des pierres plates
». Ils continueront plus au sud, jusqu’à
Markland (la « terre des bois ») et encore
plus bas, une région où poussent le riz sauvage,
les bouleaux et la vigne. D’où son nom : Vinland
(la « terre du vin »).
On
s’accorde aujourd’hui à penser que Helluland
est la terre de Baffin et Markland le Labrador. La
localisation du Vinland est plus problématique.
Dans son étude, Viking America, James Enterline
– qui traduit vinland par « terre des pâturages
» – affirme que cette région était
située à l’ouest de la baie d’Ungava
(l’actuel Québec).
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Toujours
est-il que les Vikings établissent là un village dénommé
Leifs Boudir. La petite communauté, qui est restée en
relation avec les Vikings du Groenland, recevra, quelques années
plus tard, le renfort du second fils d’Erik-le-Rouge, Thorvald.
On décide alors de former deux groupes pour partir à la
découverte de nouvelles contrées.
Vers 1004, Thorvald et ses hommes arrivent à Terre-Neuve. Et
c’est là que se fit, pour la première fois sans
doute, la première rencontre entre des Blancs et des Amérindiens
(peut-être des Beothuks). Neuf Amérindiens ayant abordé
pacifiquement le drakkar, les Vikings les massacrent pourtant sans pitié.
Un des Beothuks ayant échappé au carnage, il repart donner
l’alerte. Pour le coup, ce n’est plus un canot qui aborde
le drakkar mais des dizaines, chargés à ras bord de guerriers.
Au cours de l’affrontement Thorvald est tué par une flèche
à pointe de silex. Il sera enterré dans un lieu qui sera
baptisé – les Vikings avaient été récemment
convertis au christianisme –, le « Cap des Croix ».
Le second groupe, qui avait poussé vers le sud, rencontrera aussi
des Amérindiens qui les recevront avec bienveillance. Ce qui
n’empêchera pas les Vikings de kidnapper deux enfants en
quittant les lieux.
En 1011, Thorfinn Karlsefni et 160 hommes arrivent à Leifs Boudir.
Avec eux, une fille d’Erik-le-Rouge, Froÿdis, réputée
pour son courage mais aussi sa cruauté. Des relations paisibles
– on fait du troc – s’établissent avec les
Amérindiens des environs. Mais tout se gâte quand Thorfinn
refuse d’échanger des armes contre des fourrures. Au cours
de ces affrontements, un Amérindien sera abattu et les Vikings,
directement menacés, construisent une forte palissade autour
de Leifs Boudir.
Elle n’est pas terminée que les Peaux-Rouges attaquent.
Au cours de l’assaut, Froÿdis, qui se bat en première
ligne, et la moitié des défenseurs de Leifs Boudir sont
tués. Les survivants décident de plier bagages et de se
replier sur le Groenland.
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Au
Groenland, les deux enfants amérindiens naguère enlevés
aux leurs, ont fait à leurs ravisseurs des descriptions fabuleuses
de leur pays. Ils parlent de fruits et de fleurs en abondance, de forêts
giboyeuses et même d’une source capable de rendre la santé
à ceux qui boivent de son eau ou s’y baignent. Cette source
– sans doute une source d’eau chaude – sera à
l’origine du mythe de la fontaine de jouvence
que l’Espagnol Ponce de Leon, parce qu’il était marié
à une femme beaucoup plus jeune que lui, cherchera frénétiquement…
Excités par les récits de deux jeunes Peaux-Rouges qui
vont leur servir de guides, les Vikings lancent une nouvelle expédition
en 1051. On pense qu’elle abordera en l’actuelle Caroline
du Nord. Un établissement sera fondé où, comme
à Leifs Boudir en ses débuts, la cohabitation entre Blancs
et Amérindiens est pacifique. Jusqu’au jour où une
puissante tribu (peut-être les Tuscaroras) attaque le village
et massacre les colons. |
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Cette nouvelle
déconvenue ne mettra pas encore un terme aux explorations des
Vikings qui cherchent notamment un passage fluvial à travers
le continent. On pense même qu’ils poussèrent assez
loin en direction de l’Alaska en 1267. En 1930, une épée,
un bouclier et une hache d’origine scandinave furent mis au
jour près du lac Nipigon dans l’Ontario. Sans que l’on
sache si ces armes avaient été apportées par
des explorateurs vikings où si elles appartenaient à
des Amérindiens qui les avaient obtenues par le troc ou récupérées
après un massacre.
En 1500, Gaspar
Cortereal découvrira à Terre-Neuve 57 Béothuks
« blancs », manifestement issu du métissage avec
des Vikings. Emmenés par le conquistador, ils disparaîtront
tous dans un naufrage, hélas. Et certains historiens pensent
que les Mandans, ces Amérindiens des Plaines du Nord, au teint,
aux cheveux et aux yeux étonnamment clairs, descendent eux
aussi de métissages avec les grands guerriers blonds de Scandinavie.
Ajoutons que de nombreuses légendes des Mic-Macs décrivent
de « grands hommes blancs venus de l’Est ».
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Broche (env. IXe siècle)d'or et d'argent découverte à
Hatteberge
Musée de l'Université de Bergen
Pierre runique
de Kingiktorsuuad (XIIIe s.)
Musée national du Danemark
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Les
sagas que nous évoquions plus haut évoquent toutes la
fin des colonies nordiques d’Amérique du Nord après
des attaques indiennes, notamment en 1349 et en 1379. Et l’on
situe le dernier voyage viking entre l’Islande et le Nouveau-Monde
en 1347. En 1409, la colonie du Groenland elle-même, relais incontournable
entre l’Islande et le Nouveau-Monde, s’éteignit à
son tour, victime elle aussi – en 1408 – d’un soulèvement
indigène.
Dans les sagas, les Vikings désignent les Amérindiens
sous le nom de skraelings. Ce qui veut dire : « sauvages
». Une appellation qui les marquera jusqu’au début
du XXe siècle.
Dans son énorme étude (830 pages), L’Epopée
des Peaux-Rouges (Editions du Rocher), Jean Pictet écrit
: « On pourrait croire que [les Vikings] ont marqué du
sceau de la fatalité les rapports futurs entre Blancs et Rouges.
Car c’est à peu près ainsi que les choses se passeront
désormais. Les voyageurs, qui arrivent sur des rivages inconnus,
parés de tout le prestige et la magie d’une civilisation
plus avancée, sont d’abord bien accueillis. On les prend
même parfois pour des dieux. Mais ils se conduisent comme des
hommes et ils profitent de bonnes dispositions des naturels pour les
dépouiller, quand ce n’est pas pour s’emparer d’eux,
ou même les abattre froidement. Les Indiens, profondément
déçus, les attaquent, comme ils attaqueront sans avertissement
le prochain navire qui viendra mouiller dans les parages et, plus tard,
le groupe de pionniers qui y plantera le premier campement. Et c’est
ainsi que commence l’impitoyable chaîne de la vengeance.
» |
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Les
suivants à en faire les frais seront les Espagnols, lorsqu’ils
explorèrent le sud des Etats-Unis actuels. Ils avaient lancé
leurs raids depuis les Antilles où ils s’étaient
implantés en force depuis Christophe Colomb. Ils y rencontrèrent
des nombreuses tribus : les Apalaches, les Cusabos, les Timucuas, les
Calusas, Au total, quelque 30 000 personnes.
Le premier explorateur de ces régions fut Ponce de Leon qui aborda
à hauteur de l’actuel San Augustin le 27 mars 1513, le
jour de Pâques. D’où le nom de Florida (en
espagnol, le jour de Pâques, c’est la « Pascua Florida
»). Accueilli amicalement par les Timucuas, il sera chassé
par les Calusas.
Revenu huit ans plus tard, avec trois vaisseaux, Ponce de Leon sera
de nouveau attaqué par des Amérindiens qui se tiennent
désormais sur leurs gardes. Au cours des combats, il sera blessé
par une flèche et se repliera pour mourir sur Cuba. Cette défaite
– au moins 80 morts – calmera les ardeurs espagnoles pendant
quelques années.
En 1521, Vasquez de Ayllon, débarquera à son tour en Caroline
du Sud. Les Cusabos l’ayant accueilli sans méfiance, il
raflera 130 hommes qui, tous, périssent sur les vaisseaux espagnols.
Quand il reviendra – imprudemment – en 1524, 220 de ses
hommes et lui-même seront massacrés.
Le reste peut se raconter en quelques noms plus ou moins glorieux :
Panfilo de Narvaez, le 12 avril 1528 à Tampa Bay ; Nuñez
Cabeza de Vaca ; Hernando de Soto, en 1539 ; Luis de Moscoso ; Tristan
de Luna, en 1559, etc.
Et l’on arrive là à l’époque –
1562 – où les Français commencent à s’intéresser
à ces régions du Nouveau-Monde. Mais ça, comme
dirait Kipling, c’est une autre histoire…
Alain
Sanders |
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