Héroïcité
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Bientôt, Rivière-Rouge n’est que le seuil d’un vicariat de 1 800 000 km2. En 1858, cinq missions se partagent le nord du territoire. Et Montréal continue d’envoyer des sœurs – à la seule condition qu’on leur procure les secours spirituels et la faculté de vivre selon leurs saintes Règles – pour enseigner aux Amérindiens qui les réclament. Parfois, Mgr Taché,
qui a succédé à Mgr Provencher après sa
mort, chausse ses raquettes et, accompagné du père Lacombe,
part à la recherche d’un emplacement pour une nouvelle
mission. En 1860, parti du lac Sainte-Anne, il parcourt quarante milles
et s’arrête à l’est du lac : La mission s’appellera
Saint-Albert (du nom du saint patron du Père Lacombe). Et avec ça, elle pleurait. Enfin, au moment le plus dangereux, comme on allait se faire poigner par le remous et verser, je me suis souvenu de quelque chose que j’avais entendu dire comme infaillible pour les sœurs quand j’étais à Sorel dans le Québec, il y avait quarante ans passés, et je criai : « Ma sœur, au nom de l’obéissance, ne grouillez plus ! Le tonnerre l’aurait frappée qu’elle n’aurait pas écrasé plus net ! Elle se cala au fond du canot, à plat, elle ne remua plus un doigt. C’est ainsi que nous ne sommes pas morts… Endroits terribles où la vie est quasiment impossible. Ainsi l’orphelinat de l’île de la Crosse, où les Sœurs Grises s’étaient maintenues cinquante ans, dut-il être abandonné en 1905. Mais, cinq ans plus tard, les sœurs revenaient et s’installaient à 55 km au sud de l’île de la Crosse, pour créer, à Beauval, la mission de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Sept ans plus tard, elles se réinstallèrent à l’île de la Crosse. |
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Une religieuse allume la pipe d'une vieille Esquimaude aveugle Type d'Indiennes catholiques |
« Le Bon Dieu semble nous dire que les Sœurs Grises de Montréal, les apôtres par excellence des missions les plus dures de l’Ouest canadien, sont les seules capables de remplir ces postes si méritoires », écrit Mgr Pascal, O.M.I., vicaire apostolique de la Saskatchewan. Le
froid. Les inondations. Le feu. Les noyades. Et, à l’occasion,
les épidémies. En 1922, la fièvre thyphoïde
emporta cent cinquante Montagnais. Et l’épidémie
ne s’arrêta – elle n’est jamais réapparue
depuis – que quand la supérieure de la mission, sœur
Saint-Nazaire, elle-même très malade, s’offrit
en sacrifice : Les pays où s’installèrent les sœurs missionnaires de l’Extrême-Nord contiendraient cinq fois la France. Le RP Duchaussois, O.M.I, qui a consacré deux livres aux Sœurs Grises (dans les années trente), rappelle : « Jadis, un objet, fût-il de première nécessité, ne mettait pas moins d’une année à atteindre sa destination de l’Athabaska-Mackenzie. Deux ans s’écoulaient ordinairement, pour les missions les plus éloignées, entre le départ de la lettre de demande et l’arrivée de l’article désiré. Les achats se faisaient alors en Europe. Un retard de courrier ou une négligence de la Compagnie de la baie d’Hudson, laquelle à grands frais se chargeait des transports, portait facilement à trois ans ce délai. Et combien péniblement se doublait l’attente lorsque les lettres étaient perdues ou qu’un naufrage survenait ! » Pour subsister, les Sœurs Grises ont fait tous les métiers. Elles ont défriché, labouré, semé, récolté. Elles ont bâti. Elles ont appris à poser des collets. Elles ont chassé. Elles ont appris à prendre les poissons nourriciers des fleuves et des grands lacs. Elles ont même appris, quand il le fallait, la musique ! Après le départ de sœur Ward de Fort-Providence, en 1892, sœur Michon écrit : « Songeant qu’il ne nous restait personne pour accompagner le chant, je me suis mise à apprendre la musique (…). Commencer de pareilles études à cinquante ans, c’est sérieux, n’est-ce pas ? J’espère toutefois pouvoir le faire, quoique un peu misérablement, car je n’ai guère les doigts souples maintenant. Le ménage, le bousillage, la hache et la scie me vont mieux sous la main qu’une note de musique. Mais, dans ce pauvre pays, si loin de tout secours, il faut bien se tirer d’affaire comme on peut. Dans les notes des sœurs missionnaires du Mackenzie en 1867, on relève encore : « Je ne résiste point au désir de vous citer quelques traits propres à vous faire comprendre quel genre de misères nous sommes appelées à soulager. Ces traits, pris entre mille, vous feront frémir comme ils me soulèvent le cœur en vous les racontant. |
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« Elle fait alors un trou dans la neige, y enterre l’enfant, et passe son chemin. « A l’époque d’une assez grave maladie, un malheureux sauvage avait perdu son épouse et deux ou trois de ses enfants. Il lui en restait un, encore au maillot. Il le porta deux ou trois jours, le suspendit à une branche d’arbre et il partit. » Avec l’ouverture des orphelinats des Sœurs Grises, ces actes de barbarie devinrent plus rares. Il se trouva souvent des âmes charitables pour arracher ces enfants à la mort pour les « donner aux sœurs ». Sauver l’enfance, l’instruire, la sanctifier, fut l’une des premières tâches des Sœurs Grises dans cet Extrême-Nord où les surnoms des enfants résumaient souvent leur martyre : Lidwine la paralytique, le Petit-Fou, Marguerite l’aveugle… En 1925, les Sœurs Grises franchissent 1 500 km de plus pour s’installer chez les Esquimaux (on dit aujourd’hui les Inuits, le nom d’esquimau, venu d’estimantik, signifiant « mangeur de chair crue), au bout du delta du Mackenzie. Les premiers contacts avec les Esquimaux remontaient au 14 septembre 1860 quand le père Grollier avait réussi à réconcilier les Esquimaux et les Loucheux qui se massacraient depuis la nuit des temps. Les Loucheux se convertirent très vite au christianisme. Pas les Esquimaux qui continuèrent de s’adonner aux pires abominations. Une nouvelle tentative de conversion avait été tentée par le père Lefebvre en 1890. En vain. En 1923, Mgr Breynat avait envoyé le père Fallaize en mission… de reconnaissance. Son rapport fut formel : il fallait évangéliser les Esquimaux. On envoya donc à Aklavik (« la place de l’ours brun ») le père Lécuyer, bientôt rejoint par les frères coadjuteurs William et Latreille. Et l’on sollicita de nouveau les Sœurs Grises de Montréal. La TH Mère Dugas, supérieure générale d’alors, voulut, accompagnée des mères Girouard et Saint-Grégoire, se trouver la première en un poste si avancé. En août 1924, le terrain du couvent fut choisi et béni. A la fin de l’année, le couvent, construit par les frères oblats, était terminé. Le 29 juin 1925, le père Trocellier, directeur de la mission, les sœurs MacQuillan, Saint-Adélard et Firmin, s’installaient à Aklavik. Le 26 décembre 1926, à la messe de l’aurore, quarante Esquimaux, hommes et femmes, se présentaient dans la petite chapelle. Le lendemain, ils revinrent et demandèrent à voir la crèche. Fin janvier 1926, sœur MacQuillan peut envoyer un premier rapport optimiste à Mgr Breynat. La même
année, le père Joseph Guy, OMI, agent pour les affaires
indiennes auprès du gouvernement canadien, visita la toute
jeune mission d’Aklavik avec M. Scott, chef du département
des Indiens à Ottawa. A l’issue de la visite, M. Scott,
de confession anglicane, confia au père Guy : Ce sont de « merveilleuses civilisatrices », en effet. Avec un grand supplément d’âme. Alain Sanders |
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