Mémoire
sudiste : |
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tête de
l’armée du Potomac, en pleine poursuite de l’armée
de la Virginie du Nord, s’était choisi une solide position
à Pipe Creek dans le nord du Maryland, à 22 km au sud-est
de Gettysburg. Après s’être ainsi interposé
entre Washington et les Sudistes, et pour abuser ces derniers sur
ses intentions, il envoya le 1er corps du général Reynolds
faire mouvement vers le nord et passer en Pennsylvanie. Il voulait
faire croire qu’il continuait la poursuite, et se donner ainsi
un répit pour renforcer ses positions. De son côté,
Lee ayant appris à proximité des Yankees, qu’il
pensait beaucoup plus au sud, entreprit de regrouper son armée
dispersée, à Cashtown, au nord-ouest de Gettysburg. La bataille avait commencé sans qu’aucun des deux généraux en chef ne l’ait vraiment prévue ou voulue. Meade comptait attendre les Confédérés plus au sud, quant à Lee, il était davantage préoccupé de réorganiser ses propres forces que d’engager celles de l’ennemi. Contrairement à son habitude, Lee avançait à l’aveuglette. La cavalerie du général Stuart, les yeux et les oreilles de l’armée de la Virginie du Nord, qui avait été chargée de couvrir son flanc droit et de renseigner Lee sur les mouvements de l’armée yankee, qui avançait en parallèle, était perdue quelque part dans le Maryland, embarquée dans un raid devenu une errance derrière les lignes des Fédéraux. Stuart et ses cavalier épuisés ne pourront rejoindre le gros de l’armée sudiste que lorsque celle-ci aura engagé le combat, dans la journée du 2 juillet… Entre-temps, l’absence de Stuart, sa défaillance dans sa mission de reconnaissance et la confusion qu’elle entraînera, auront pesé lourd sur les événements. |
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Longstreet perdra un temps précieux à mettre en position ses troupes, qui n’attaqueront finalement qu’en fin d’après-midi, alors que Lee avait ordonné l’assaut pour le matin. Longstreet était coutumier du fait, déjà au second Manassas/Bull Run il avait été fortement critiqué pour sa lenteur à agir, mais son orgueil et son esprit d’indépendance confinèrent cette fois à l’insubordination… Certains diront même à la trahison, bien qu’il soit très difficile aujourd’hui d’établir précisément les responsabilités de chacun. L’attaque sur Cimetery Ridge, commencée bien tard, fut néanmoins menée rondement. Elle enleva les premières positions de l’Union, le verger de pêchers, le champ de blé, et un labyrinthe de rochers appelé « l’Antre du diable ». Mais elle échoua sur les Round Top. A charge incontestable de Longstreet, il faut dire ici qu’on lui signala l’absence de troupes fédérales sur les Round Top, inexplicablement abandonnées par le général Sickles, pour des positions très en avant de la ligne nordiste, qui mettraient celle-ci en grand danger d’un flanquement et d’un contournement par l’arrière. Longstreet n’avisa même pas son chef de cette magnifique opportunité… Il préféra la lettre à l’esprit et maintint l’attaque frontale, prétextant l’ordre formel de Lee, qui laissait pourtant toute latitude à ses commandants de corps pour s’adapter aux circonstances particulières du combat. Le temps que les Sudistes enfoncent les premières lignes de l’Union, passent « l’Antre du diable » et parviennent au bas des collines, les Fédéraux s’étaient aperçus du danger et avaient envoyé des troupes reprendre position, in extremis, sur Little Round Top. Le combat, terrible et déterminant, sur les pentes abruptes et boisées de cette petite colline, révéla un officier de l’Union d’une trempe exceptionnelle. Le colonel Joshua Chamberlain, commandant du 20e Maine, qui repoussa tant qu’il le put les assauts, répétés et furieux des Confédérés, jusqu’à ce que, après deux heures de combats acharnés, ayant perdu le tiers de ses hommes et se trouvant à court de munitions, voyant un nouvel assaut se former, il lança son régiment dans une charge héroïque, baïonnette au canon. Ce brusque retournement de situation, l’audace stupéfiante des Yankees dévalant ainsi la pente vers eux, brisa le courage des hommes de l’Alabama qui, épuisés, se rendirent pour beaucoup… Un
peu plus au nord, sur le centre de Cemetery Ridge, le First Minnesota
se sacrifia dans une charge désespérée pour ralentir
les Sudistes, très supérieurs en nombre, et permettre
aux renforts nordistes de combler la brèche ouverte par la malencontreuse
manœuvre du général Sickles. Au
soir du 2 juillet, Lee restait cependant persuadé que les positions
de l’Union étaient prêtes à craquer. Il s’estimait
par ailleurs trop engagé pour pouvoir se retirer. Il décida
pour le lendemain d’une puissante attaque sur le centre yankee,
convaincu que Meade l’avait considérablement affaibli en
renforçant ses flancs. Au début de l’après-midi
du 3 juillet, il fit précéder l’assaut par le plus
fort bombardement sudiste de la guerre. Les quelque 150 canons du jeune
colonel Alexander entamèrent avec les batteries fédérales
un duel de près de deux heures. Vers 15 heures, les canons se
turent, et les Confédérés se préparèrent
à l’assaut final, dans un alignement magnifique, comme
à la parade, drapeaux au vent, baïonnettes étincelantes
sous l’éclatant soleil de juillet. Une vision digne de
la guerre en dentelle, une démonstration de courage et de tenue
qui stupéfia les Yankees eux-mêmes. La division virginienne
du général Pickett, du corps de Longstreet, formant le
cœur de l’attaque et renforcée par six brigades du
corps de Hill, soit approximativement quinze mille hommes, entamèrent
alors une marche de près de deux kilomètres à découvert. L’effort
réclamé par Lee excédait probablement les forces
humaines et l’élite de l’armée de la Virginie
du Nord, qui était elle-même l’élite de l’armée
sudiste, périt sur cette pente funeste, qui vaut bien la plaine
de Waterloo. Seuls quelques centaines de Virginiens et de Tennessiens,
héroïques mais épuisés, parvinrent finalement
à atteindre et à percer les premières lignes de
l’Union… Aussitôt noyés sous la contre-attaque
irrésistible de la réserve nordiste. Le général
de brigade Lewis Armistead qui menait ces braves, son chapeau planté
au bout de son épée, fut blessé mortellement durant
cette action. Adossé à un canon, entouré d’officiers
yankees, il adressa ses regrets au général Hancock, son
meilleur ami, qui commandait le centre fédéral qu’il
venait précisément d’attaquer. Meade renonça tout d’abord à profiter de son avantage. Stupéfait d’avoir infligé une telle défaite au général Lee et à sa légendaire armée de la Virginie du Nord, il dira à ceux qui le pressaient d’agir : « Nous avons suffisamment bien fait ! » Le temps qu’il cède aux exhortations de Lincoln qui l’adjurait d’attaquer, les Sudistes auront pu faire retraite, et le 13 juillet repasser le Potomac vers la Virginie. Au soir de Gettysburg, Lee se plaindra légitimement d’avoir été mal obéi, il regrettera amèrement l’absence de Jackson, dont la présence eût tout changé, tant dans la vigueur offensive et la coordination des attaques, que dans les manœuvres de contournement. Pleurant ses hommes tombés durant la charge sur Cemetery Ridge et l’occasion perdue de sauver le Sud en achevant la guerre, Lee s’exclamera : « Quelle pitié, ô quelle pitié… » Contrairement à L’Antietam qui n’était qu’un demi-échec, Gettysburg était pour le Sud un véritable désastre, et la seule vraie grande victoire nordiste. Ce 3 juillet 1863, la roue avait tourné, définitivement en faveur du Nord. Au moment même où les Sudistes refluaient de Cemetery Ridge, sur le front ouest le général Pemberton négociait la rédition de Vicksburg, qui eut lieu le lendemain, 4 juillet. Port Hudson suivrait le 8. Le Mississippi serait désormais contrôlé par les Yankees, ce qui coupait la Confédération en deux. Avec Grant, qui avait commandé le siège de la forteresse de Vicksburg, le Nord avait trouvé le chef militaire qui lui manquait et qui saurait le mener à la victoire, avec une brutale opiniâtreté, augmentant sans cesse la pression sur le Sud asphyxié, sans peur de la casse, malgré des pertes effrayantes et de violentes réactions de l’opinion publique nordiste, jusqu’à ce que la puissance industrielle et l’énorme supériorité numérique yankee aient inexorablement, mathématiquement, raison du courage et du talent sudistes… La « charge de Pickett », symbole suprême et tragique de la lutte identitaire du Sud, reste l’un des plus purs modèles de courage s’élevant jusqu’à la dimension proprement spirituelle du sacrifice. Le sacrifice qui transcende les oppositions et les haines, qui est un don de l’homme intérieur et lui confère une dignité particulière qui survit aux plus grandes défaites. Parfois certains vaincus sont ainsi plus grands que leurs vainqueurs. Voilà pourquoi l’épopée sudiste continue d’enthousiasmer, et le « Scarry Cross » de flotter encore et toujours sur bien des cœurs. Comme l'a écrit William Faulkner dans Intruder In The Dust, pour les enfants du Sud, qui ne sont pas tous américains, la grande charge de Gettysburg est toujours à refaire. Lionel Aimecet |
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