A la rencontre des Cincinnati |
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Et
Washington, qui aurait pu continuer de vivre paisiblement dans son vaste
domaine, s’était porté à la tête des
Insurgents pour mener une guerre improbable contre l’une
des meilleures armées du temps. Porté
au commandement suprême, il avait juré fidélité
au Congrès élu par ses compatriotes et il n’avait
jamais failli à son serment.
Le 19 avril 1783, huitième anniversaire d’un combat qui avait commencé par l’escarmouche de Lexington, Washington avait pu annoncer que, par ordre du Congrès, la guerre contre l’Angleterre était terminée. Recitons le duc de Castries : — Mais aussitôt faite, cette proclamation avait réveillé les anciennes dualités ; le Congrès, une fois l’état de guerre terminé, voulait de nouveau affirmer sa prépondérance, ce qui le conduirait vraisemblablement à retomber dans ses anciennes erreurs. C’est dans ce point de vue qu’il faut chercher la clef de la création de la Société des Cincinnati. Washington voulut fédérer ses anciens compagnons et en faire le contrepoids possible aux excès des Assemblées. C’est vraisemblablement dans cet esprit qu’après le discours de M. de Steuben, il accepta sans discuter la présidence de la nouvelle société, en espérant que son rôle serait purement honorifique et que sa patrie conserverait par sa seule sagesse les avantages que le courage de ses fils venait de lui conquérir. La Société des Cincinnati, voulue et présidée par Washington, eut à subir de nombreuses critiques. Parce que cet « Ordre » militaire inquiétait. Et que la transmission par voie de primogéniture ressemblait à s’y méprendre aux caractéristiques de la noblesse européenne. Fatigué des jeux politiques, Washington décida alors de se démettre de ses fonctions de généralissime pour se retirer et cultiver le reste de son âge – comme Cincinnatus – dans son domaine de Mount-Vernon. Tout en honorant impeccablement son engagement auprès des Cincinnati. En 1786, le Congrès, empêtré dans ses propres contradictions et pressentant les dangers d’une guerre civile, sut retrouver le chemin de Mount-Vernon. Pour demander à Washington de prendre la tête du nouvel Etat. Ce qu’il accepta. « Si les Cincinnati (…) ne formèrent pas une noblesse incompatible avec les principes républicains, ils demeurèrent, par le jeu de l’hérédité, une caste aristocratique dont le rôle moral est resté considérable aux Etats-Unis, particulièrement dans les problèmes électoraux, rappelle le duc de Castries. Tous les trois ans, dans l’un des treize Etats primitifs, un congrès réunit les Cincinnati d’Amérique et, après des séances de travail, on organise une grande manifestation qui perpétue les liens d’autrefois. » En 1959, ce congrès se tint – pour la première fois depuis 1783 – en France. Pourquoi en France ? Tout simplement parce qu’il y a des Cincinnati français. L’article 27 des statuts de la Société des Cincinnati, tels que lus en 1783 à George Washington, disait ceci : « La Société, profondément sensible à l’assistance généreuse que le pays a reçue de la France et désireuse de perpétuer les liens d’amitié qui ont été formés et qui se sont si heureusement maintenus entre les officiers des armées alliées pendant toute la durée de la guerre, décide que le président général transmettra aussitôt que possible l’insigne de l’Institution à chacune des personnalités ci-après : « Son Excellence le chevalier de la Luzerne, ministre plénipotentiaire ; « Son Excellence M. Gérard, ministre plénipotentiaire ; « Leurs Excellences le comte d’Estaing, le comte de Grasse, le comte de Barras, le chevalier des Touches ; « Les amiraux et commandants de vaisseau de la Marine française ; « Son Excellence le comte de Rochambeau, commandant en chef ; « Les généraux et colonels de l’armée expéditionnaire française, en les informant que la Société leur fait honneur de les considérer comme membres de l’association. » Les distingués en furent très honorés. Et le chevalier de la Luzerne, ambassadeur de France aux Etats-Unis, demanda audience à Washington pour régler les formalités que posait l’admission de membres français. Washington lui en donna les détails en lui demandant de bien vouloir les soumettre à Louis XVI. Il s’agissait, en fait, de considérer la France en totale égalité et de traiter les officiers généraux et les colonels français avec les mêmes honneurs héréditaires que les officiers américains de la guerre de libération. Les 29 et 30 octobre 1783, Washington écrivit à La Fayette, à Rochambeau et à l’amiral d’Estaing pour les tenir informés de ces dispositions, charge à eux d’en informer leurs ministres respectifs. En décembre, La Fayette informait Vergennes ; Rochambeau, le maréchal de Ségur, ministre de la Guerre ; l’amiral d’Estaing, le maréchal de Castries, ministre de la Marine. Eux-mêmes informèrent le roi qui donna immédiatement son accord : la décoration de Cincinnatus sera dès lors autorisée dans l’armée et la marine françaises. La constitution de la Société française des Cincinnati eut lieu le 7 janvier 1784 dans l’hôtel du maréchal de Rochambeau, 40, rue du Cherche-Midi, à Paris. Les membres fondateurs – Rochambeau ayant été nommé à la présidence provisoire – en furent : |
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le baron de Vioménil, — le comte de Saint-Simon, — le marquis de Choisy, — le comte de Custine, — le duc de Lauzun, — le duc de Laval, — le comte d’Autichamp, — le marquis de Rostaing, — le chevalier d’Aboville, — le chevalier de la Valette, — le comte de Saint-Maime, |
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le vicomte de Poudenx, — le vicomte d’Anot, — le vicomte de Noailles, — le vicomte de Rochambeau, — le duc de Castries, — le comte Dillon, — le comte de Ségur, — le prince de Broglie, — le comte de Vauban, — le comte de Damas, — le marquis de Champcenetz. |
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Après
lecture des statuts, un message de remerciements fut adressé
à Washington avec un don de 60 000 livres en faveur de la branche
américaine des Cincinnati. Et l’on décida que la
décoration de Cincinnatus se porterait immédiatement après
la croix de Saint-Louis. Alain Sanders |
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