La vie n'est pas un long fleuve tranquille

Bonne initiative des éditions Belfond que d'avoir réédité, dans leur collection « Vintage », le livre du Chilien José Donoso, L'Obscène Oiseau de la nuit initialement paru en Espagne, en 1970, puis en France, au Seuil, en 1972.

 

Né en 1924 à Santiago-du-Chili (il y est mort en 1996), José Donoso avait été salué par Luis Bunuel comme « un maître de l’irrationalité religieuse ». Sans que l'on sache vraiment si Bunuel trouvait cela épatant ou peccamineux...

La carrière littéraire de Donoso commence par la publication de nouvelles, mais c'est son premier roman, Le Couronnement, paru en 1957 (et chez Calmann-Lévy en 1981), qui l'installe sur la scène littéraire chilienne et, plus largement, hispanophone. Suivront Ce dimanche-là (1966) et Ce lieu sans limites (également en 1966).

Avec L'Obscène Oiseau de la nuit, il va s'essayer à déconstruire les codes de la narration pour s'embarquer – et nous avec – dans un monde hallucinatoire et grotesque. Dans une maison de recluses où cohabitent des entremetteuses, des guérisseuses, des sorcières, survit Humberto Penaloza. Il a connu des jours meilleurs du temps qu'il était le secrétaire du sénateur Jeronimo de Azcoitia. Désormais réduit à l'anonymat, il se débat dans les obscurs labyrinthes de son passé.

Foudroyant délire, comédie grinçante, satire sociale déjantée (qui se voulait explosive, mais tourna au pétard mouillé), ce roman muy castellano a certes perdu de sa force originelle, mais il reste une intéressante expérience d'écriture. Même si – comme José Donoso lui-même qui disait que c'était son meilleur texte – on peut préférer Casa del campo (1978, paru en 1980 chez Calmann-Lévy en 1980).

Les bobos ont bobo

Originaire d'Angleterre, Felicity Everett est partie vivre quatre ans en Australie avant de rentrer au pays. Pour écrire d'abord des romans pour la jeunesse et, à partir de 2001, un premier roman pour les « grands », Story of Us.

On peut la découvrir en France avec l’excellent Les Voisins du 9 (Harper Collins Poche) dont l'accroche résume bien la situation : « Vos ennuis commencent au seuil de leur porte... » Sara, mère de famille sans histoire(s), s'ennuie dans sa petite vie bovaryesque d'un quartier résidentiel de Londres. Jusqu'au jour où vont emménager, au 9, de nouveaux voisins : Lou, Gavin (et leur gamin), un couple de bobos emblématiques.

Invités à la crémaillère chez ces newcomers, Sara et Neil, son mari, sont littéralement séduits et bluffés par le couple atypique (et leurs amis invités pour l'occasion). Sara est honorée de devenir bientôt l'amie de Lou, en même temps qu'elle commence à trouver Gavin beaucoup plus fun que son Neil de mari, lisse et sans surprise...

Bientôt, les deux couples ne se quittent plus, déjeunant et dînant les uns chez les autres, faisant la teuf à chaque occasion et donnant un coup de jeune au quartier assoupi et qui n'en croit pas ses yeux.

Un jour, pourtant, Sara va les ouvrir, ses yeux, sur l' « amitié »  de Lou à son égard, une « amitié » à sens unique qui a fini par faire de Sara la bonne à tout faire des voisins du 9... Et si ces bobos, pas si bébêtes que ça, les manipulaient ? Et s'ils avaient tout fait pour les couper de leurs anciennes relations, pour les gouroutiser ?

 


Dans un de ses poèmes, « Romance somnambule », Federico Garcia-Lorca écrit : « Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus mienne ». C'est ce que traduit bien ce thriller à prétentions – réussies – psychologiques.

Alain Sanders

 

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