Imbolo Mbue est né en 1982 à Limbé, petite ville du Cameroun qu'elle quittera en 1998 pour étudier aux États-Unis. Elle vit désormais à New York.

Voici venir les rêveurs, son premier roman, s'appuie sur sa propre expérience pour dire l'histoire d'un couple de Camerounais qui, séduits par l'American Dream, viennent tenter leur chance dans ce paradis qu'on leur a vanté.

Jende Jonga, sa femme, Neni, et leur fils, âgé de six ans, peinent à trouver leurs marques. Jende est pourtant engagé comme chauffeur par Clark Edwards, banquier chez Lehman Brothers (juste avant le naufrage que l'on sait).

C'est un vrai travail. Et le rêve au bout : obtenir la précieuse carte verte et, à terme, devenir américain. Les Jonga et les Edwards sont à des années-lumière les uns des autres. Leurs destins vont pourtant se croiser. Les uns comme les autres, problèmes de riches, problèmes de pauvres, problèmes d'êtres humains, se débattent dans les emmerdes et finissent par se déliter.

Sonia Nazario, auteur du Voyage d'Enrique (qui a reçu le prix Pulitzer), a écrit : « Un magnifique roman sur un couple africain qui commence une nouvelle vie dans un nouveau pays. Voici venir les rêveurs nous en apprend autant sur les dangers d'un quotidien aux États-Unis que sur le parcours des immigrants qui rejoignent ce territoire en quête du prétendu rêve américain ».

Avec, en arrière-plan, la menace d'éclatement de la bulle des subprimes, les Edwards vont tragiquement se déchirer. Quant aux Jonga, qui sentent qu'ils n'obtiendront sans doute jamais la mythique green card, ils finissent par craquer et décident de rentrer au pays. A Limbé, petite ville au bord de l'Atlantique, dans cette partie du Cameroun placé sous mandat britannique de 1922 à 1961, où l'on parle un pidgin English savoureux.

Le grand talent d'Imbolo Mbue, c'est de raconter le rêve brisé des Jonga sans jamais verser dans la pathos victimaire. Ils se sont fait des illusions, mais ils ne mettent pas pour autant leur échec sur le dos de la société américaine.

Quand ils rentrent à Limbé, qu'ils n'auraient jamais dû quitter, ils passent devant le grand panneau rouge à l'entrée de l'agglomération : « Bienvenue à Limbé, ville de l’amitié ». Jende réveille alors son fils, encore tout ensommeillé, et lui dit : « Devine où nous sommes ? ». L'enfant ouvre les yeux et répond sous forme de question : « A la maison ? ».

Avis aux rêveurs, en effet, qui peuvent croire que l'herbe est plus verte de l'autre côté de l'Atlantique. Et qui constatent, en y laissant des plumes, que ce n'est pas toujours le cas...

Alain Sanders

– Belfond