Et au milieu coule une rivière...

Sur la tombe du pêcheur inconnu

de John Gierach

 

Grâce aux Éditions Gallmeister, qui viennent de publier Sur la tombe d'un pêcheur inconnu de John Gierach, on a pu découvrir en France nombre de livres de cet auteur halieutique.

On s'est parfois demandé si Saint-Exupéry était un écrivain-pilote ou un pilote-écrivain. On pourrait poser la même question à propos de Gierach : pêcheur-écrivain ou écrivain-pêcheur ? C'est, quoiqu'il en soit, le plus célèbre des écrivains-pêcheurs américains. Avec des titres et des récits qui font notre bonheur : Traité du zen et de l'art de la pêche à la mouche (2009), Truites & Cie. (2010), Même les truites ont du vague à l'âme (2011), Là-bas, les truites... (2012), Sexe, mort et pêche à la mouche (2014), Danse avec les truites (2015), Une journée pourrie au paradis des truites (2017), etc.

Né dans une petite ville de l'Illinois en 1946, John Gierach s'est passionné pour la chasse, mais plus encore pour la pêche, dès l'âge de 5 ans. Des études supérieures, un diplôme de philosophie et, parchemin en poche, direction le Colorado où lui, le pêcheur lambda, il a une révélation : la pêche à la mouche.

Pigiste, puis journaliste, photographe, chroniqueur, il va bientôt pouvoir vivre de sa passion : il écrit pour le Gray's Sporting Journal et Field en même temps qu'il assure la rédaction en chef de Fly et de Rod and Reel. Ce ne sont que quelques exemples de ses nombreuses contributions journalistiques.

Le très sérieux – et très barbant – New York Times (où Gierach a une chronique mensuelle) dit de lui qu'il est « un des plus beaux exemples de nature writing existant aujourd'hui ».

Le nature writing est cette école informelle de « plein air » où l'on retrouve des écrivains comme Thomas McGuane, Larry Mc Murtry, Tom Robbins, Julia Glass, le Canadien Roderick Haig-Brown, etc.

Gallmeister, dont nous recommandons régulièrement tous les ouvrages, indique à propos de Sur la tombe d'un pêcheur inconnu : « De ces carnets de voyage qui racontent une année d'excursion au cœur des paysages des États-Unis, émanent des notes réjouissantes qui semblent tirées de ces chansons country que l'on sifflote en pêchant à la mouche ». C'est vrai ! Et je me suis surpris à siffloter – et plus : à chanter – Beer, Bait and Ammo (« De la bière, des appâts et des cartouches ») de l'excellent Mark Chesnutt.

Mais l'un des effets secondaires les plus extraordinaires des récits de John Gierach, c'est de déclencher chez les plus réfractaires à la pêche sous toutes ses formes – ce qui est mon cas – une irrépressible envie de se mettre à la pêche à la mouche ! De l'importance de consacrer du temps à quelque chose d'aussi glorieusement inutile que la pêche à la mouche... Alors bienvenue au pays des mouches américaines, les superbes Adams, Green Drake, Blue-Winged Olive, Pheasant Tails, etc.

Et si le bonheur c'était tout simplement ça : une partie de pêche à la mouche dans la Roaring Fork River, un bourbon, un Sanders Mammouth Burger (1) au Rainbow Grill, un expresso façon Starbuck et au lit ! Une philosophie à la Scott Spencer : « J'étais terriblement heureux, non parce que la vie était belle, mais parce que c'était ma vie et que j'étais dedans ».

Alain Sanders

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(1) J'en tiens bien sûr la recette à qui veut.

 

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