Le roi de la marche militaire

John Sousa

(1854-1932)

 

En 1860, dans la banlieue de Washington, un gamin de six ans, John Philip Sousa, petit-fils d'émigrants portugais (avec des ascendances espagnoles et bavaroises), montre d'étonnantes dispositions de multi-instrumentiste. Il peut jouer – et bien jouer – de tout. Et même de l'orgue de l'église que le curé du lieu lui permet d'utiliser au gré de son inspiration. Car en plus, il compose !

Un soir de l'hiver 1865, sa mère lui demande de courir jusqu'au Restaurant Wilson pour prévenir qu'Antonio Sousa, le père de John, est alité avec une mauvaise grippe. Et qu'il ne pourra pas tenir sa place dans l'orchestre de l’établissement comme à l'habitude.

Le directeur est catastrophé : le second violon s'est lui aussi fait porter pâle. C'est un désastre se désole le pauvre homme... « Qu'à cela ne tienne, dit John, je peux le remplacer votre second violon ». Ce qu'il va faire avec brio..

Dix ans plus tard, alors qu'Offenbach, déjà bien âgé, fait sa dernière tournée aux États-Unis, John Sousa fait partie des musiciens locaux engagés par le grand maestro. Un après-midi, Offenbach entend Sousa jouer pour lui-même un morceau entraînant. Il demande qui en est le compositeur. « C'est moi, lui répond Sousa. C'est juste un air qui me passait par la tête... » Offenbach en est littéralement bluffé : « Eh bien, jeune homme, travaillez ce motif ! Ou je me trompe ou vous avez l'étoffe d'un grand compositeur ! »

Il est doué, cela ne fait aucun doute. Mais la musique ne nourrit pas son homme et Sousa doit faire la manche aux carrefours et sur les places pour subsister. Quand il propose ses morceaux, on lui dit : « Pas mal votre musique, mais aujourd'hui la mode est aux valses viennoises, pas aux fanfares... » Alors il décide de s'engager dans l'US Navy. En faisant ce calcul que là, au moins, il aura le gîte et le couvert...

Un jour, au cours de manœuvres terrestres, la section où sert Sousa est à bout de forces. Au désespoir du lieutenant qui doit rejoindre le QG avec ses hommes dans le temps imparti. Alors Sousa, le 2e classe Sousa, a une idée : « J'ai un clairon dans mon sac, mon lieutenant. Peut-être qu'une marche bien enlevée donnerait du tonus à tout le monde... » On le laisse faire. Et le résultat est là : portés par la musique endiablée de Sousa, non seulement les hommes repartent, mais ils arrivent en avance sur l'horaire prévu. L'anecdote se répand en haut lieu. On a un oiseau rare, surtout ne pas le lâcher...

Le lendemain, Sousa est muté dans l'orchestre de l'US Navy où il ne cessera dès lors de gravir les échelons. En 1880, il est nommé chef de la première musique militaire des États-Unis.

En 1892, il quitte le service armé et entreprend avec son propre orchestre, le Sousa Band, un tour du monde qui va contribuer à populariser les marches militaires qu'il a composées : Washington Post, El Capitan, The Gladiator, Liberty Bell, High School Cadets, Semper Fidelis, King Cotton, etc.

Dans son orchestre, il a diminué le nombre de cuivres et de percussions en les remplaçant par des bois et en introduisant une harpe. Si Sousa a essentiellement composé des marches, il a aussi écrit des poèmes symphoniques, des suites, des opéras, des opérettes. Pour aller plus loin, on lira avec intérêt son autobiographie, Marching Along.

Le nom de Sousa a été donné à une variété de tuba dans les fanfares et le jazz New Orleans : le sousaphone avec son grand pavillon dirigé vers l'avant.

En 1986, le groupe The Residents a enregistré un album des reprises de Sousa et de Hank Williams, Stars and Hank Forever.

Alain Sanders

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2019