Carnage à Gasconade, Missouri

Matthew Mc Bride

Soleil rouge

 

Remarqué pour son précédent livre, Frank Sinatra dans un mixeur, publié en 2015 chez Gallmeister, Matthew McBride, qui connaît son Missouri sur le bout des doigts, revient à la charge avec un roman qui fait froid dans le dos malgré son titre incandescent, Soleil rouge.

L'action se passe dans le comté de Gasconade, Missouri. Alors un mot de ce nom qui est aussi celui d'une rivière et d'un bourg fondé en 1857. Ce nom est dû, comme on s'en doute à des colons (des settlers) français originaires de Gascogne. A noter que les monts Ozarks, orgueil du Missouri, et les rivières tourmentées de la région, doivent aussi leurs noms à des trappeurs français : ozarks, c'est la transcription phonétique de « aux arcs », référence aux incroyables courbes, sinuosités et méandres des rivières (dont la Gasconade River) qui ont façonné un paysage de vallées à couper le souffle.

Mais ce n'est pas de ce Midwest sylvestre qu'il est vraiment question dans ce roman, mais d'un comté qui eut naguère – depuis les autorités ont corrigé le tir – le triste privilège d'être considéré comme la capitale de la fabrication de la méthamphétamine aux USA.

Un fléau qui touche toutes les classes sociales dans le comté de Gasconade. On en fabrique partout. Dans les garages, les arrière-cours, les mobile-homes, les cabanes perdues au cœur des Ozarks où personne – et même pas la police – n'oserait aller chercher des poux dans la tête des trafiquants.

D'autant que ce trafic génère tellement d'argent que quelques flics ripoux franchissent la ligne rouge.

Lors d'une perquisition dans le mobile-home d'un des ces trafiquants, le shérif adjoint Dale Banks, qui n'en croque pas, lui, tombe sur un magot de 52 000 dollars. Comme Banks a une famille, des enfants (dont une petite fille handicapée qu'il adore), il se convainc qu'il n'y a aucune de raison de faire état de cette trouvaille : c'est l'argent de salopards qui fabriquent et vendent la mort. Autant garder cet argent et l'utiliser – le purifier en quelque sorte – pour faire du bien : « Il prendrait cet argent qui n'était pas à lui, l'argent d'un cuisinier de méth, afin d'offrir à sa famille une vie meilleure. Il enverrait ses enfants à l'université et investirait dans leur avenir. Au-delà de leur petite ferme, un monde dur et froid les attendait. C'était le moins qu'on puisse faire ».

Inutile de dire que tout ça ne va pas passer comme une lettre à la Poste (comme on disait jadis). Dépositaire du magot et psychopathe absolu, Jerry Dean et ses associés, Butch Pogue, une sorte de prédicateur illuminé, Bazooka Kincaid, Kenny Fisher, Jackson Brandt et autres racailles du même calibre, ne sont pas du genre à faire une croix sur leurs fafiots. Quitte à flinguer du flic...

Le critique Daniel Woodrell a dit de roman : « D'un suspense cru, Soleil rouge réunit une large palette de personnages tombés du mauvais côté de la vie et les percute les uns aux autres dans une prose vigoureuse ». Comment, quand on habite dans un environnement comme les Ozarks et le comté de Gasconade, peut-on tomber du côté obscure de la vie ? Matthew McBride ne donne pas la réponse.

On n'a pas le temps de reprendre souffle dans cette histoire menée à fond la caisse. Sinon, peut-être, quand un des protagonistes écoute sur son auto-radio le chanteur country Jamey Johnson. Notons à ce propos qu'il aurait été utile que le traducteur, par ailleurs excellent, mette une petite note pour expliquer aux lecteurs français qui est ce Jamey Johnson (un relatif newcomer country de surcroît). Les lecteurs américains le connaissent, mais le public français, qui connaît à peine – et encore – Johnny Cash et Dolly Parton, certainement pas.

Ayant longtemps vécu dans une ferme du Missouri avant de travailler dans une usine Chrysler, Matthew McBride cultive aujourd’hui de la marijuana, mais thérapeutique, en Californie. Chanvre avec vue... Comme dit le vieil adage, il n'y a pas de sots métiers...

Alain Sanders

– Gallmeister

 

 

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