C’est le premier roman de Bruce Machart. Un premier roman unanimement salué par la presse aux Etats-Unis : du Los Angeles Time au Wall Street Journal en passant par Publishers Weekly et Library Journal.

D’entée de jeu, disons que l’action se déroule entièrement au Texas. Bruce Machart y est né, d’un père fermier dans une région proche du Lavaca County (à savoir « la vache », nom hérité des premiers découvreurs espagnols de la région). Et c’est là que se situe l’intrigue du Sillage de l’oubli.

Comme c’est une région du Texas que je connais par cœur – et mieux : avec le cœur – je me suis promené en voisin dans ce roman. Car les noms de lieux sont là qui parlent à l’âme de tous les Texans de souche, mais à celle aussi des Texans d’adoption : Yoakum, Shiner, Praha, Gonzales, Moulton, Weid, Hallettville, le Lafayette County, etc.

L’action commence en 1895 (mais on naviguera, via de très subtils allers-retours, en 1898, 1910, 1924) quand Vaclav Skala a la douleur de perdre son épouse qui meurt en mettant au monde leur quatrième fils, Karel. Nous sommes dans cette communauté tchèque (des brasseurs hors pair notamment, l’excellente Shiner c’est à eux qu’on la doit) qui s’accroche – au prix d’un travail de forçats – à la terre. Pour ces « Bohémiens » du Nouveau Monde, le Texas ce n’est pas la vie de Bohème.

Homme dur et austère, Vaclav le devient encore plus après la mort de Klara. Avec ses quatre fils, fier de ses chevaux de course (bientôt montés par Karel, le meilleur cavalier de la fratrie), il engage ses bêtes dans des paris insensés, le prix du vainqueur consistant en des hectares de terre confisqués au vaincu. Et souvent à l’un de ses voisins, l’Irlandais Patrick Dalton : sur les trois cents hectares du ranch de Vaclav, un tiers ont été arrachés à ce dernier.

Un jour, Vaclav va avoir affaire à forte partie : Guillermo Villasenor, père de trois filles qui affolent les mâles du comté. Un conquistador qui proteste de son sang espagnol quand on le prend pour un Mexicain et qui lui propose un pari décisif qui engage l’avenir des quatre frères. Au terme d’une course qui va opposer Karel à l’une des filles du sourcilleux hidalgo.

Un pays rude. Des hommes qui ne le sont pas moins. Toujours prêts à la castagne, dans le meilleur des cas, et à défourailler dans le pire. La terre. Le bétail. Les chevaux. Les femmes aussi. Celles du Bio Saloon de Shiner que l’on paie. Les filles de ferme « rendues dociles après quelques verres de cidre sur un tapis de feuilles dans les bois avoisinants ». Et celles qu l’on épouse pour avoir des enfants.

Après ce premier roman, Bruce Machart a publié un recueil de nouvelles, Men in the Making, que les éditions Gallmeister publieront sans doute en français un de ces jours prochains. Le Sillage de l’oubli appartient à la grande littérature américaine et ce roman a valu à Machart d’être comparé à Cormac McCarthy et à William Faulkner. Ce qui est largement mérité.

Alain Sanders

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