Le numéro 50 de Shnock

est consacré à Johnny Hallyday

 

Shnock est une revue – presque un livre – trimestrielle (« pour les Vieux de 27 à 87 ans » selon son argumentaire) de très bonne tenue. Ce qui est déjà bien. Mais elle est surtout intelligente, sagace, piquante et rebelle à la doxa du prêt-à-penser. Ce qui est encore mieux.

Le dernier numéro paru, le numéro 50 après treize années d’existence, est consacré à Johnny Hallyday. Avec des pépites pour les fans du personnage et même pour ceux beaucoup moins enthousiastes sur le sujet qui, en tout état de cause, restera un phénomène de la scène musicale française.

Pour notre part, nous serions plutôt de l'avis de Mick Jagger. L'emblématique Rolling Stones, à qui l'on demandait s'il appréciait la musique de l'emblématique rocker français, avait répondu : « Non, évidemment. Trop pauvre. Mais c'est un personnage sympathique. Il est très, très gentil avec moi ».

Ben, oui... Et d'abord parce qu'on préférera toujours – country, rockabilly, rock'n'roll – les originaux aux maigrelettes copies des yéyés. Et Dieu et Elvis savent que Johnny n'a reculé devant rien en l'occurrence... Ne parlons même pas de Tutti Frutti, de Blue Suede Shoes, de Be Bop a Lula, passés à toutes les moulinettes hexagonales, mais quand même...

Oser toucher à Rick Nelson (L'Idole des jeunes), aux Everly Brothers (Le P'tit Clown de ton cœur), à George Jones (Tes Tendres Années), à Fats Domino (Je veux me promener), à Brenda Lee (Ce s'rait bien), à Kris Kristofferson (Moi et Bobby McGee), à Paul Anka (Ce sont des gosses), aux Beatles (Quand je l'ai vue devant moi), à Del Shannon (Deux façons de pleurer), de manière récurrente à Elvis (Teddy Bear devenu Ton petit ours en peluche, J'suis mordu, etc.)...

On nous dira que les autres yéyés (dont Richard Antony susurrant Et j'entends siffler le train, pauvre guimauve « empruntée » au solide morceau country 500 Miles de Bobby Bare) ont fait pire ? Hélas, oui... Disons, pour nous consoler, qu'avec Johnny ce fut moins pire. Car on aura connu George Ulmer salopant Don't Be Cruel (devenu Sois pas cruelle), Mireille Mathieu reprenant Blue Bayou, Line Renaud salopant Jambalaya de Hank Williams, sans compter les innombrables versions franchouillardes de Tennessee Waltz...

Schnock rappelle, et à juste raison, que souvent caricaturé bêtement (genre « Ah que »...), Johnny était le contraire d'un imbécile. Capable à l'occasion d'avoir le goût sûr et la dent dure (pour notre plus grand plaisir). Exemples : « Les Enfoirés ? Trop de gens y vont qui ne sont pas de ce métier... Me déguiser en clown, moi, non merci ». Ou encore : « Claude François, t'enlèves les Claudettes, qu'est-ce qu'il en reste ? »

Bref, ce numéro hommage, mais pas sottement béat, restera un collector. Avec des découvertes comme ce calendrier Ricard 1971 avec Johnny sur une Harley-Davidson 1200 Electra Glide ; Johnny en santon Campana en 2018 (blouson noir et crucifix autour du cou) ; des eaux de toilette et des parfums « Retiens la nuit » (1989), « Que je t'aime » (1991), « Biker » (1994) ; un masque de carnaval ; des plaids siglés, etc.

« Jamais je ne serai vieux », disait Johnny. Schnock l'a pris au(x) mot(s).

Alain Sanders

 

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