Un classique de la littérature sudiste

La Route au tabac

d'Erskine Calswell

 

Dans leur excellente collection « Vintage », les éditions Belfond réédite un classique de la littérature sudiste devenu un classique de la littérature universelle : La Route au tabac d'Erskine Caldwell.

Ce roman, l'un des plus connus de Caldwell avec Le Petit Arpent du Bon Dieu, est paru en 1932 aux États-Unis. Et seulement en 1947 en France. Après le film qu'en tira John Ford en 1941.

On est là en Géorgie, dans le Deep South, pendant la Grande Dépression. Sur la route au tabac, la famille Lester est, comme la majorité des Petits Blancs, au bord de la misère et aux lisières de la famine.

Calwell, né en 1903, est lui-même un pur produit de cette Géorgie loin de la riche plantation de Scarlett O'Hara, Tara. Un pays rude où Blancs et Noirs triment dur, mais où on se plaint pas, où on se tient à l'écart de Washington dont on n'attend pas grand chose. La guerre de sécession et l'incendie criminel d'Atlanta par les colonnes infernales de Sherman ont laissé des traces dans les corps et les âmes.

S'il parle si justement de ce petit peuple de rednecks, Caldwell, c'est qu'il est des leurs et que, comme eux, il a fait cent petits métiers pour survivre : marin, paysan, machiniste, garçon de café et aussi – mais là on pouvait s'acheter un peu de beurre (de cacahuète) – journaliste. Là où d'aucuns, les Yankees, tordent le nez pour évoquer les rednecks, il ne blâme ni ni loue : il raconte.

Avec une certaine empathie. Des hommes. Mais aussi des femmes. Raides à la toile.

Comme Ada qui tarabuste Jeeter parce qu'il n'y a plus rien à la maison : plus de tabac, plus de farine, plus de viande.

– T'es qu'un fainéant, t'es pas autre chose que ça. Si t'étais pas un fainéant, tu pourrais porter une charge de bois tous les jours, et j’aurais du tabac pour quand j'en ai besoin.

Des reproches qui ne plaisent pas à Jeeter :

– J'suis pas bûcheron. J'suis fermier.
Mais pour être fermier, il faut emprunter des mules, acheter de la graine et du guano... Et ça...

De Haute tension à Palmetto (republié chez Belfond en 2015) à Bagarre de Juillet en passant par Les Braves Gens du Tennessee (mon préféré), Un P'tit Gars de Géorgie, Terre tragique, Nous les vivants, etc., Caldwell n'a jamais fait dans la chantilly lace (la dentelle). Ce qui fit de lui l'un des écrivains les plus censurés des États-Unis.

Alain Sanders


- Editions Belfond

 

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