La République des vaincus

de Jean Soublin

 

En mémoire d'un écrivain voyageur

Un jour, il y a déjà belle lurette, dans les années quatre-vingt dix, j'avais lu le roman de Jean Soublin intitulé Le Champ d'asile. Ce livre avait trouvé son public. A l'étranger (et notamment aux États-Unis)... Il faudra attendre sa réédition quelques années plus tard par Phébus, sous le titre La République des vaincus, pour qu'il rencontre ses lecteurs français.

Nous allons dire, bien sûr, le thème de ce roman qui s'appuie sur une histoire vraie (une poignée d'anciens de la Grande Armée tentent d'établir au Texas une colonie : « le Champs d'asile), mais d'abord un mot sur Jean Soublin, grand écrivain voyageur qui nous a quittés au début de cette année.

Venant d'écrire « écrivain voyageur », terme réducteur en l'occurrence, je me le reproche un peu : depuis 1983, Jean Soublin a écrit une vingtaine d'ouvrages dont la qualité littéraire a fait de lui un écrivain à part entière. Nouvelliste, romancier, historien tout à la fois.

L'énumération même succincte de ses livres peut donner un aperçu de l'inspiration générale de Soublin qui, au hasard de ses affectations professionnelles, a vécu en Amérique latine (notamment au Brésil) :
Histoire de l'Amazonie (Payot, 2000)
Je suis l'empereur du Brésil (Seuil, 1996), bio romancée de Pedro II de Bragance qui régna pendant cinquante ans et fit du Brésil un État moderne ;

Cayenne 1809 (Khartala, 2003), histoire véritable de la guerre picrocholienne que se livrèrent la garnison de Guyane et des troupes portugaises ;
– l'excellent – et à bien des égards drolatique – Napoléon, l'Amazonie et moi (Phébus, 2005).

On lui doit aussi des romans comme Lascaris d'Arabie (Seuil, 1983), histoire romancée d'un consul italien en Orient à l'aube du XIXe siècle, sorte de Lawrence d'Arabie avant la lettre. Et puis cette République des vaincus qui me tient à cœur parce que je suis allé au Texas sur les traces de cette colonie perdue.

Après la déchéance de Napoléon, des vétérans en déshérence vinrent rejoindre au Texas le général Lallemand qui avait créé une colonie agro-alimentaire. Ce n'étaient pas des perdreaux de l'année : Chamoreau, sous-officier de la ligne, six pieds sous le shako, cent kilos au-dessus des bottes ; Verbatim, un babouviste fanatique qui tentera d'imposer à ses camarades une « société d'égaux » ; Coclès, un grand diable noir né à la Jamaïque et chassé de Saint-Domingue par des mulâtres un brin racistes, etc.

Pour ces anciens grenadiers, fusiliers, lanciers, dragons, hussards, la confrontation avec les Cornanches, le climat, la faune, ne sera pas une partie de plaisir... Il s'y feront, mais y ils laisseront des plumes ; Sauf Chamoreau qui deviendra un coureur de prairie, une vraie légende de la montagne Wichita. Toute cette aventure finira dans le sang et frisera parfois le ridicule. Loin de réaliser le rêve exprimé dans l'hymne du « Champs d'asile » : « Déjà nous découvrons les monts de l'Amérique/ Nos cris ont salué les ports/ Et, l'olive à la main, à travers le Mexique/ Du Texas nous gagnons les bords ». Don't mess with Texas, les gars...

Vous n'avez jamais lu Jean Soublin ? Commencez par ce livre tout à fait rafraîchissant en ces temps de commémorations napoléoniennes fatigantes... Et vous aurez envie de découvrir le reste.

Alain Sanders

 

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