Une trop sexy institutrice

Erskine Caldwell : Haute tension à Palmetto

 

Après Le Bâtard, publié en 2013 dans leur collection Vintage, les éditions Belfond publient un second roman, peu connu en France, d'Erskine Caldwell, Haute tension à Palmetto.

Palmetto, c'est une petite ville (584 habitants) de Géorgie, dans le Sud profond, écrasée de chaleur et assoupie, comme en dehors du temps. Aussi, quand débarque Vernona Stevens, une jolie institutrice de 22 ans, originaire de l'Est, inutile qu'il va y avoir du bruit dans le landerneau et... une sacrée tension à Palmetto.

On est là dans un schéma quelque peu inversé de celui habituel des westerns où les institutrices venues de l'Est pour essayer de policer les rudes populations locales sont plutôt prudes, même si elles finissent par s'éprendre d'un cowboy brut de forme plutôt que d'un brave quincaillier genre monsieur Olson...

Vernona Stevens est sexy, sans préjugés, un brin allumeuse, et ce sont les gens du cru qui sont prudes – on dirait même : coincés – et vite déboussolés par cette plantureuse créature. Elle va faire des ravages, réveillant les pulsions des mâles et excitant les frustrations des femelles. Il y a d'abord un de ses élèves, Floyd, âgé de 16 ans, qui tombe raide dingue amoureux. Et le fermier Jon Cash, qui n'a rien d'une gravure de mode, qui bade – et bave – devant elle. Et encore Em Gee Sheddwood, un veuf qui l'épouserait bien pour tenir sa maison et réchauffer son lit.

Et aussi Milledge Mangrum, politicard et coureur de jupons surveillé de près par une épouse jalouse. Et même le sournois Thurston Mustard, conseiller en agronomie, tarabusté lui par une épouse acariâtre.

Cela fait beaucoup de crocodiles pour le même marigot et une même proie ! On y ajoutera Blanche Neff, qui tient la pension de famille où loge Vernona et qui joue les marieuses.

La prudence commanderait que Vernona se tienne à l'écart de ce condensé de testostérones. Mais elle est, quoiqu'elle prétende, flattée d'être l'objet de tous les désirs.

L'histoire se déroule en quelques jours, d'un jeudi à un vendredi. Arrivée pour toute l'année scolaire à Palmetto, Vernona y restera finalement moins de quinze jours. Elle y sera passée comme une tornade.

Préfacier de l'ouvrage, Yves Berger écrit : « Vernona, donc : une victime – mais d'abord d'elle-même. Cette citadine et femme libre n'est pas si différente des ploucs de Palmetto, prisonniers de leur atavique frustration, qu'elle ne leur ressemble par un double trait : l’obsession du mariage et la soumission aux lois sociales ».

Auteur de trente romans, dont les célèbres La Route du tabac, Le Petit Arpent du Bon Dieu, Un p'tit gars de Géorgie, Bagarre de juillet, Les Braves Gens du Tennessee, Erskine Calwell excelle à décrire la vie des « Petits Blancs » du Sud, ces ploucs comme dit Yves Berger alors qu'il aurait dû dire rednecks. Il n'a certes pas la forte inspiration d'un Steinbeck, ni la puissance d'écriture d'un Faulkner qui ont, eux aussi, raconté le Sud profond. Mais il a ce génie de mettre en scène – sans jamais porter de jugements moraux – des personnages primitifs qui ne craignent ni les excès, ni la fornication, ni la violence. Ce qui lui vaudra, à son époque, d'avoir été l'un des écrivains les plus censurés des États-Unis.

Alain Sanders

– Editions Belfond.

 

 

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