Rich Hall : Otis Lee Crenshaw contre la société
A lire toutes affaires cessantes

 

Si vous ne deviez lire qu’un seul livre cette année – ce qu’à Dieu ne plaise – que ce soit le petit chef d’œuvre de Rich Hall, Otis Lee Crenshaw contre la société, publié aux éditions Payot & Rivages. C’est l’histoire la plus authentiquement country que l’on peut lire à ce jour et elle doit avoir sa place – la toute première – dans la bibliothèque d’un amateur de country digne de ce nom.

Si vous voulez comprendre l’univers de la country music et l’Amérique profonde, oubliez les amusettes de Nashville, les petits clones siliconés, les bluettes politiquement correctes, les Fan Fairs aseptisées et le reste. Otis Lee Crenshaw est de chez nous, c’est notre pote, un lascar avec qui on rêve de partager quelques verres de Jack Daniel’s et autant de Lone Star bien glacées.Avec, en fond musical, ses chanteurs country préférés, Johnny Cash, Dottie West, Merle Haggard, Johnny Paycheck, David Allan Coe,etc. Ce sont aussi les nôtres. Un seul regret : que le traducteur (par ailleurs excellent) ait traduit en français (ce qu’il aurait pu faire en notes de bas de pages) le nom de certains des standards country évoquées par Otis Lee Crenshaw. De I Washed My Hands In Muddy Water à Ode To Billy Joe, comme il l’a fait pour I Walk The Line, Arkansas Traveller, Old Dan Tucker, par exemple.

Otis Lee Crenshaw est un white trash, un petit Blanc du Sud, quiu traîne son blues sur les routes du Tennesse. Branché en permanence – comme moi, en y ajoutant Music Box – sur WSN, la radio du Grand Ole Opry, avec cet avertissement significatif : « J’ai grandi avec Hank Williams, Patsy Cline, George Jones, Jim Reeves : de la musique geignarde qui semblait dégouliner du poste comme de la guimauve. »

Otis Lee Crenshaw vit de petites combines improbables, fait de fréquents séjours en prison et, quand il en sort, épouse des femmes impossibles toutes prénommées Brenda. Et le reste du temps ? Il est chanteur country et écrit des chansons comme Je vais me noyer dans une bouteille… Il se rêve un destin à la Johnny Cash ou à la Merle Haggard, à savoir celui d’un good ole rebel, d’un redneck qui n’a peur de rien et n’hésite pas à appeler un chat un chat. Nous avons souvent eu l’occasion de le dire : il y a plus de vraie philosophie dans une chanson country que chez Platon, Descartes, Spinoza, Pascal ou Nietzsche…Otis Lee Crenshaw le montre à l’évidence. Ce crazy man, un peu dingo, est en fait un vrai sage. La vie, l’amour, la mort, lechagrin, la peine des hommes, Dieu, rien ne lui est étranger. Exemple : « Personne n’a jamais écrit de chanson d’amour honnête, une qui dirait grosso modo : Je m’apprête à faire quelque chose de vraiment stupide. Je vais faire le grand saut. Je vais être amoureux de toi. » Et il ajoute : « Tout a commencé avec Cupidon. » Salaud de Cupidon…

Au final, Otis Lee demande : « C’est assez country pour toi ? » Ce n’est jamais assez country pour moi. Mais là, je suis blufflé !

Alain Sanders

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