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Dans le Dublin des années vingt Le Mouchard de Liam O'Flaherty |
Encore une bonne initiative des éditions Belfond qui, dans leur collection « Vintage », rééditent Le Mouchard, le roman-culte de Liam O'Flaherty qui est l'une des grandes figures de la renaissance littéraire irlandaise. Nous sommes dans le Dublin des années vingt, quand les combattants de l'IRA portaient des leggins et des impers verts. Après le soulèvement nationaliste de Pâques 1916, réprimé dans le sang par les Britanniques, des centaines de policiers et d'espions traquent les clandestins à la merci de la moindre indiscrétion, des mouchards et des délateurs tentés par les primes promises par l'Occupant. Gypo Nolan, personnage un peu rustre, porté sur la boutanche, écarté des rangs de l'IRA pour faute grave, noie son chagrin et son ressentiment dans l'alcool. Ce qui le conduit à l'irréparable et à l'impardonnable : balancer aux Anglais, pour quelques billets, son camarade de combat – et plus : son meilleur ami –, Francis-Joseph Mac Philipp. Ce
moment où tout bascule est ainsi raconté par Liam O'Flaherty :
« Il gravit les marches l'une après l'autre, d'un
pas régulier, en faisant craquer bruyamment l'escalier. D'un
coup de pied, il ouvrit la porte, sans retirer les mains de ses poches.
Dans le vestibule, il se retrouva nez à nez avec un policier
coiffé d'un casque de nuit noir, en forme de cône. L'homme
retirait ses gants. Gypo s'arrêta et le regarda droit dans les
yeux. Je viens réclamer la prime de vingt livres offerte
par le Syndicat des fermiers pour des renseignements concernant le nommé
Francis-Joseph Mac Philipp, dit-il d'une voix basse et profonde ». |
Comme dans le chef d’œuvre – mais la comparaison s'arrête là – de James Joyce, Ulysse, l'action se déroule à Dublin en une journée. Vingt-quatre heures. Et la descente aux enfers. Paru pour la première fois en 1925, Le Mouchard (titre original : The Informer) a été adapté au cinéma – et de quelle façon ! – par John Ford, dix ans plus tard. Avec l'immense – à tous les sens du terme – Victor McLaglen dans le rôle-titre. On rappellera que, craignant un boycott du marché britannique, tous les producteurs de l'époque se défilèrent. C'est donc le père de John Fitzgerald Kennedy, Joe Kennedy, qui le produira, par le biais de RKO (la plus ancienne société de production de films, qui lui appartenait). John Ford, avec la déchirante rédemption finale du pauvre diable, accentue la dimension christique du récit déjà très présente chez Liam O'Flaherty (qui, plus jeune, s'était formé à la prêtrise). Après la Grande Guerre, O'Flaherty vagabonde à travers le monde, faisant tous les métiers possibles et imaginables, bûcheron, matelot, employé de banque, mineur, plongeur, bagagiste, etc. Ayant participé à la lutte pour l'indépendance de l'Irlande, il va se consacrer à la littérature à partir des années vingt. Dès son premier roman, The Neighbour's Wife (1923), il trouve son public. Suivront notamment Le Mouchard (paru pour la première fois en France en 1928, sous un mauvais titre, Le Dénonciateur), puis trois romans que je tiens pour des chefs d’œuvre absolus : Skerett, Famine, et Insurrection. Son autobiographie, A mes ennemis ce poignard, a été publiée aux éditions du Rocher en 1998. Né à Inishmore, en plein pays gaélique, en 1896, Liam O'Flaherty ets mort à Dublin en 1984. Alain
Sanders |
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