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Richard Russo : Mohawk |
Né en 1949 aux Etats-Unis, Richard Russo, après avoir enseigné la littérature à l’université, vit aujourd’hui dans le Maine et se consacre à l’écriture. De scénarios et de romans. Mohawk est son huitième roman publié à Quai Voltaire (1). Mais il s’agit, en fait, du tout premier roman qu’il écrivit (il fut publié aux Etats-Unis en 1986). C’est intéressant dans la mesure où ce livre constitue la genèse de cette petite ville d’un Etat au nord de New York (le Maine en l’occurrence). Nous avions découvert cette bourgade, archétype des petites villes américaines, dans Quatre saisons à Mohawk (2001). Au fil des pages, on fait ainsi connaissance avec les membres de cette communauté paisible d’apparence, sans histoire(s). A commencer par Harry, le patron du Mohawk Gril, et de son protégé, un débile à la carrure impressionnante, Wild Bill. Ce diner est l’un des points centraux de la ville où tout le monde se connaît. Certains sont des amis. D’autres s’ignorent. Mais, nolens volens, leurs vies se mêlent et s’entremêlent. Le
grand talent de Richard Russo, c’est de raconter ces jours tranquilles
– mais pas tant que ça… – à Mohawk comme
on tisserait une tapisserie. A un moment ou l’autre, tel ou tel
rencontré plus tôt dans le récit croise la route,
et parfois le destin, de tel ou tel autre rencontré plus avant.
Une tapisserie. Un patchwork. On n’en voit pas immédiatement
le dessin général, les motifs, les couleurs. Et puis doucettement,
sans en avoir l’air, tout se met en place, s’éclaire,
se révèle, s’explique. |
Il faut dire que ce sont de vrais personnages qui peuplent Mohawk. Mather Grouse, par exemple, vieux bonhomme atrabilaire qui est en bisbilles avec sa fille et son gendre. Et qui en veut à mort à Rory Gaffrey pour une histoire de cornecul qui remonte à leur jeune temps. Dallas Youger, ex-star du football américain, qui ne se remet ni de son divorce ni de la mort de son frère. Sa femme, Anne, qui en pince pour Dan, condamné à la chaise roulante après un accident de voiture. Anne qui doit jongler entre une mère peu aimante et un père pour le moins difficile. Et leur fils, Randall, un gamin intelligent et doué qui salope son travail scolaire pour être accepté par ses condisciples. Il y a de l’amour à Mohawk. Mais il y a aussi des haines cuites et recuites qui n’attendent que l’occasion de remonter à la surface. Mohawk, jadis, a été une petite ville florissante riche de ses tanneries et ses peausseries. Les usines sont fermées. Et il n’en reste qu’un legs dévastateur : un environnement pollué et le cancer pour les anciens employés. A Mohawk, on lit The Republican. On boit plus que raison. Et on fréquente le Mohawk Gril qui fait griller du bacon et des saucisses en pariant sur les chevaux de course. Mohawk se meurt doucement. Mais elle a encore de beaux restes. Alain Sanders _________________________________________________ (1) Un homme presque parfait (1995), Un rôle qui convient (1998), Le Déclin de l’empire Whiting (2002), Le Phare de Monhegan (2004), Quatre saisons à Mohawk (2005), Le Pont des soupirs (2008), Les Sortilèges du Cap Cod (2010). -
La Table Ronde / Quai Voltaire. |
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