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CAPITAINE
THOMAS MAYNE-REID
Un
baroudeur, un écrivain
Thomas Mayne-Reid, né le 4 avril 1818 à Ballyroney, comté
de Down (Irlande occupée), fut l'un des écrivains les
plus populaires du XIXe siècle. Il est pourtant quasiment inconnu
en France aujourd'hui. Sinon d'une petite poignée de vrais
connaisseurs.
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Ses
livres aucune bibliographie de Mayne-Reid n'existe en France
et ses romans se comp-tent par plusieurs dizaines1 ne sont
disponibles que chez quelques bouquinistes spécialisés.
Cest la raison pour laquelle on s'est fait une fête
de la réédition, chez Omnibus, de cinq romans majeurs
de ce fou dAmérique : Le Corps franc des Rifles
; Les Chasseurs de chevelures ; Les Robinsons de terre ferme ;
Le Chef blanc ; Océola ; Le roi des Séminoles.
Les Irlandais sont, en règle générale, de
fortes personnalités. Mayne-Reid est un Irlandais très
irlandais. Tout jeune, il décide de rejeter son premier
prénom, Tho-mas (qui lui vient de son père, doux
pasteur presbytérien), au profit de son second prénom,
Mayne, hérité dun ancêtre écossais2.
Plus tard écuré par la domination anglaise,
il choisira de partir pour lAmérique.
Le 16 janvier 1846 il a alors 22 ans il débarque
à la Nouvelle Orléans. Après avoir tra-vaillé
comme employé dans une maison de commerce, puis trois mois
dans une plantation comme surveillant d'esclaves, il participe
à plusieurs expéditions le long de la Red River,
du Missouri et de la Platte.
Entre deux virées chez les Indiens et les trappeurs, il
ouvre une éphémère école à
Nashville, Tennessee : la New English Mathematical and Classical
School. Mais le commerce, l'enseignement, les boulots statiques,
ce n'est vraiment pas son truc. A la première occasion,
il file vers Santa Fe, va goûter des poblanas à
Chihuahua, accompagne une troupe de comédiens à
Cincinnati, Ohio, publie quelques poèmes dans le Pittsburgh
Chronicle...
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En
novembre 1842, il se joint comme Davy Crockett et ses volontaires
du Tennessee le feront à Alamo à une milice de
Sudistes engagés aux côtés des Texans contre Santa
Anna. Fait prisonnier, il réussira à s'évader
dans des conditions rocambolesques dont il fera la trame de The
Free Lances (1881).
En
août 1843, Mayne-Reid se lie d'amitié avec Edgar Allan
Poe et se range un peu en faisant le journaliste, le
critique littéraire, le poète, le dramaturge : sa tragédie,
Loves Martyr, sera jouée en 1848 à Philadelphie.
Mais la guerre contre le Mexique éclate. Mayne-Reid envoie
promener plumes et encriers et court s'engager comme sous-lieutenant
dans le régiment des Volontaires de New York. Pour faire bonne
mesure, il joue les correspondants de guerre pour le Spirit of
the Times. Gravement blessé lors de l'assaut de la forteresse
de Chapultapac, il est donné pour disparu. Resurgi d'entre
les morts, il est nommé lieutenant. En 1848, il quitte larmée
avec le grade de capitaine.
1
Personne, en fait, nen connaît le nombre exact.
2 Ce qui fait que lon devrait normalement écrire, contrairement
à lusage, " Mayne Reid " sans trait dunion.
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Quitter
l'armée, pour le capitaine Mayne-Reid c'est désormais
son nom de guerre comme son nom de plume , cela ne veut
pas dire abandonner les aventures. Au contraire. A la tête
dun bataillon d'anciens du Mexique, il s'embarque pour aller
porter secours aux révoltés européens de
1848 et, notamment, au Hongrois Kossuth. Mais, le temps d'arriver
en Europe, c'est fini : les Russes ont déjà balayé
Kossut.
Démobilisé, Mayne-Reid sinstalle en Angleterre
et trouve un éditeur (Shoberl) pour son pre-mier roman,
Le Corps franc des Rifles, version remaniée de War
Life qu'il avait fait paraître chez Townsend, à
New York, en 1849.
Venu se reposer en Irlande, il y écrit son second roman
: Les Chasseurs de chevelures (The Scalp Hunters). Installé
à Londres, il commence alors une longue et féconde
carrière de romancier.
En 1853, cet Irlandais, devenu américain, qui a des manières
de trappeur et de bandit mexi-cain fait jaser la bonne société
londonienne en épousant Elizabeth Hyde, âgée
de 15 ans (il en a 35). Ce qui ne le détourne pas de l'écriture
: de 1853 à 1866, vingt- trois romans (treize pour la jeunesse,
dix pour les adultes) et trois ouvrages scientifiques (Odd
People, Quadrupeds, Croquet). |
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En
1866, après avoir fait faillite, suite à d'aventureuses
elles aussi... spéculations immo-bilières,
il vend tous ses biens, s'installe à Londres et crée un
quotidien du soir, The Little Times. Au bilan vingt-deux numéros...
Alors ? Alors, une fois de plus, go west young man ! Installé
à Newport, Rhode Island, en 1867, Mayne-Reid multiplie nouvelles
et romans, tente de lancer une trop luxueuse revue, Onward
Magazine, se prend le bec avec Harriet Beecher-Stowe, le larmoyant
auteur de La Case de l'Oncle Tom, qui a osé mettre en
cause la moralité de Byron.
En juin 1870, sa blessure mexicaine s'infecte. D'abord hospitalisé
au St. Luke Hospital, Mayne-Reid est rapatrié grâce
à une souscription publique en Irlande. Convalescent,
il publie de nombreuses études sur la Floride, le Texas, le Mexique.
En 1874, une seconde infection le laisse infirme et le contraint de
marcher avec des béquilles.
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Le
22 octobre 1883, le vieil aventurier s'éteint à
Londres. Il sera enterré au Kensal Green Ce-metery.
Le Spectator saluera ainsi ce grand écrivain : "
Mayne-Reid possédait une qualité très rare
et remarquable. Il était capable de créer une atmosphère
comme très peu de conteurs ont su le faire. A l'instant
même, le lecteur se trouvait au Mexique conscient de se
mouvoir sous un ciel nouveau, de vivre au milieu dune architecture
étrange, en présence d'indigènes à
la peau hâlée, non pas des per-sonnages abstraits,
mais de véritables Mexicains en chair et en os. Cette impression
était due, pen-sons-nous, au fait que le capitaine Mayne-Reid,
tandis qu'il écrivait, se transportait en personne dans
le pays qu'il avait aimé, et visualisait dans son esprit
son peuple et ses paysages. Il évitait ainsi toute erreur,
sachant pertinemment que telle ou telle personne se trouverait
ici ou là, que les collines seraient de telle couleur,
que la végétation aurait telle ou telle apparence,
que l'eau elle-même poss-éderait certaines particularités.
Le résultat créait une illusion parfaite et, installés
dans ce Mexique surréel, nous ne nous fatiguions jamais,
comme auraient pu le faire des observateurs extérieurs
à la scène, des péripéties trépidantes
de l'action. "
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Aujourd'hui,
si vous cherchez le nom de Mayne-Reid dans le Larousse, vous apprendrez
que c'est " un écrivain dont les héros sont les
Indiens ". Ce qui est à la fois court et en grande partie
faux. Le Robert fait pire, qui le donne pour " un classique du
fantastique pour enfants ", tandis que François Bluche
fait référence à l'image archétypique
des " mousses de Mayne-Reid "...
Nous
avons dit l'amitié qui, en 1843-1844, a uni Edgar Allan Poe
et Mayne-Reid. Au point que The Boy Tar (1859) du capitaine
Mayne-Reid rappelle étrangement Les Aventures d'Arthur Gordon
Pym (1838) de Poe, et qu'il y a du capitaine Mayne-Reid dans "
Le Matin sur le Wissahi-con ", l'un des Derniers Contes
(1844) de Poe.
Il faudrait dire aussi Henry Thoreau (1817-1862) et Ambroise Bierce
(1842-1914), deux des plus grands noms de la littérature américaine,
et qui n'ont pas hésité à puiser des thèmes
d'inspira-tion chez l'auteur de Gaspar le gaucho ou d'Uraga
le forban.
Il faudrait dire encore Robert-Louis Stevenson (1850-1894) qui, retiré
à Samoa en 1890, écrit à un de ses amis : "
Je ne pouvais n'empêcher de repenser à Mayne-Reid, comme
cela m'arrivait souvent depuis mon arrivée sous les Tropiques.
Et si le vieux Reid avait encore été vivant je lui aurais
écrit pour lui dire que tout cela, pour moi, était devenu
réalité... "
Et puis Conan Doyle qui, dans son autobiographie, Souvenirs et
Aventures, révèle qu'il eut pour auteur de prédilection
Mayne-Reid et pour lecture favorite Chasseurs de chevelures.
En France, Victor Hugo, Lamartine, Rimbaud et Alexandre Dumas ont
lu Mayne-Reid. Alexandre Dumas fit plus : enthousiasmé par
la lecture des Chasseurs de chevelures, il publiera quatre romans
de Mayne-Reid et lui demandera même mais l'affaire ne
se fera pas d'écrire son autobiographie dans le journal
Le Mousquetaire.
Et Jules Verne ? Jules Verne, bien sûr ! Qui pourrait lire Afloat
in the Forest (écrit en 1865, paru chez Hetzel en 1871)
sans penser à La Jangada (1888) ? Et n'y a-t-il pas
beaucoup des Chasseurs de plantes (1857) et des Grimpeurs
de rochers (1864) dans Seconde Patrie (1902), suite imaginée
par Jules Verne des Robinsons suisses de Wyss ? Et n'y a-t-il, dans
la description d'une inva-sion de sauterelles par Jules Verne dans
Aventures de trois Russes et de trois Anglais en Afrique
centrale (1870), plagiat évident de l'invasion de sauterelles
concoctée par Mayne-Reid dans Les Enfants des bois (1856)
?
Pour être complet et donner aux malheureux qui n'ont
jamais lu Mayne-Reid l'envie d'aller y voir de plus près ,
il faudrait citer encore Tchékov, Livingstone, Baden-Powell,
D. H. La-wrence, Nabokov, Barjavel et même aussi Andreï
Sakharov qui, tous, ont succombé à jamais aux magies
inégalées du capitaine Mayne-Reid et de ses Rifle Rangers.
Alain
Sanders
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