Au nom du père...

Henry Bromell

Little America

 

Avant d'enter dans le livre, un mot de l'auteur, indications nécessaires pour bien voyager au cœur de cette « Petite Amérique ».

Henry Bromell (1947-2013) a passé toute son enfance à l'étranger, au rythme des affectations (Égypte, Koweït, Irak, Iran, etc.) de son père, agent de la CIA. Un temps journaliste, il se tournera vers la télévision. Il fut l'un des concepteurs de nombreuses séries, à commencer par le mythique Homeland qui aura marqué l'histoire de la télévision.

On comprend vite, à la lecture de Little America, une fiction (relative), qu'il a mis en musique sa propre expérience de rejeton d'un agent secret. L'histoire est celle de Mack Hooper, membre de la CIA donc, qui s'installe avec sa femme et son fils, Terry, âgé de dix ans, au Korach, petite monarchie prise en tenaille entre ses puissants voisins du Moyen-Orient. Mission : approcher le jeune roi, gagner sa confiance et lui faire accepter, in disguise, une sorte de protectorat américain.

Ne cherchez pas le Korach sur un atlas. Ce petit royaume hachémite, décrit entre la Jordanie et l'Irak, est une création de l'auteur. Mais il est symbolique tout à la fois de ces identités géopolitiques avalées par des voisins gloutons et victimes de la politique pas toujours heureuse des États-Unis.

PMack Hooper mène à bien sa mission. Il gagne l'amitié et la confiance du jeune monarque dont il devient le confident. Comment préserver son indépendance quand on est menacé de toutes parts (complots intestins, armée tentée par un putsch, manœuvres extérieures déstabilisatrices) ? C'est tout le problème. Le jeune roi n'échappera pas à son destin (la mort). En une sorte de tragédie qui rappelle celle de Fayçal II, roi d'Irak. Quel rôle a vraiment joué le père de Terry dans ce fatal dénouement ? Conseiller fraternel ou mauvais génie ?

Quarante ans plus tard, Terry, devenu historien, se penche sur l'histoire du Korach. Il veut comprendre comment cette « Petite Amérique » du Moyen-Orient, a pu disparaître et, surtout, quel fut le rôle de son père dans cette « disparition ». Le lui demander ? Peine perdue. Quand il a intégré la CIA, Mack Hooper a prêté serment de ne jamais rien divulguer des missions de la « grande maison ». Il mourra en emportant ses secrets.

Parmi les acteurs – et plus que ça : les grands manœuvriers – de cette affaire, une parmi tant d'autres, deux personnages bien réels : John Foster Dulles, secrétaire d’État sous Eisenhower, et son frère, Allan Dulles, grand manitou de la CIA de l'époque. Nous sommes en pleine guerre froide. Leur but, c'est de contenir la menaçante URSS communiste. Du coup, ils ne verront pas se profiler un ennemi en gestation, celui qu'il faut se coltiner aujourd'hui, les Frères musulmans.

A noter que Little America, roman prémonitoire et à quelques égards prophétique, est sorti en librairie quelques semaines avant l'apocalypse du 11-Septembre 2001. « C'est le roman le plus intelligent et le meilleur que j'ai lu depuis longtemps », écrivit un critique de l'époque. Un roman ? Sans doute. Mais beaucoup plus que ça : un document pour l'Histoire.

Alain Sanders

– Gallmeister

 

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2017