Texan de bonne race, né en 1936 à Brownsville, Kris Kristofferson, qui était – avec notre Willie Nelson, 91 ans – un des derniers survivors, a rejoint à son tour le honky-tonk des anges. Il était – et ce de l'avis même d'un spécialiste de la chose, Bob Dylan himself – un des plus grands songwriters. De l'histoire de la musique en général et de la country music en particulier.

Fils d'un général de l'US Air Force, Kristoffer Kristian Kristofferson ( c'est son nom complet) a grandi en Californie. Il était bon en tout : boxe, football américain, littérature. Ses deux premiers romans ayant été refusés, il s'engage dans l'armée. Pilote d'hélicoptère, il sera stationné (comme Presley et Cash avant lui) en Allemagne.

A son retour, en 1965, il rallie Nashville et, comme des milliers d’autres clean cut guys avant lui, tente sa chance sur la 16th Avenue.

Pour survivre, il est concierge de l'immeuble de la CBS. En 1969, il est prêt à jeter l'éponge quand arrive une bonne nouvelle qui va tout changer : son Me & Bobby McGee, enregistré par Roger Miller (il sera plus tard porté aux sommets par Janis Jopplin), connaît un immense succès. Le reste suivra. Signé par le label Monument (grâce à Johnny Cash à qui il apportera son chef d’œuvre, Sunday Mornin' Coming Down, en atterrissant en hélicoptère sur la pelouse de l'Homme en noir à Nashville...), il trouve bientôt un public et des interprètes : l'album Me Bobby & McGee cartonne, Waylon Jennings lui prend The Taker, Ray Price enregistre For the Good Times, etc. Et les succès se succèdent vite : Blame It on the Stones, To Beat the Devil, Help Me Make It Through the Night, etc.

Côté cœur, c'est beaucoup plus chaotique... Divorcé de Fran Beer (le couple a eu deux enfants, Tracy et Kris), il épouse en 1973, la chanteuse country et actrice de cinéma Rita Coolidge. Ils auront un enfant, Kasey, et enregistreront des duos d'enfer suivis d'albums du même métal (Full Moon, 1973 ; Natural Act, 1978 ; etc.)

Dans le même temps, Kris s'investit dans le cinéma. Et pas de la gnognotte : Pat Garrett & Billy the Kid (où il a imposé Bob Dylan), Convoy, A Star is Born (avec Barbara Streisand), notamment.

Après un nouveau divorce et un remariage en 1983 (ce sera le dernier) avec Lisa Meyers (cinq enfants : Jesse, Jody, Johnny, Kelly Marie, Blake), il va traverser des périodes difficiles (le camarade Jack Daniel's n'aidant pas vraiment en l'occurrence...) et connaître une véritable traversée du désert due, notamment, à des prises de positions politico-sociétales aventurées et donc controversées (il faudra même que Johnny Cash vienne à la rescousse en se portant garant du bon fond de son ami et de son indéfectible patriotisme).

De retour « dans le monde », il sort un double album (un pur bonheur) avec Willie Nelson, Dolly Parton et Branda Lee. Avec Willie Nelson (dernier survivant de cette aventure), Johnny Cash et Waylon Jennings, il sera l'un des quatre mousquetaires des Highwaymen : des tournées de légende et des albums d'anthologie. A signaler le bel album de 1995 (qui annonçait son revival), Moment of Forever. En 2013, nous avons eu le bonheur de le voir à La Cigale, à Paris, pour l'un de ses tout derniers concerts : un moment intimiste, attachant, précieux, à la Kristofferson (il ne fut jamais un grand interprète, mais il faisait chanter son âme).

Au cours des dernières années, il aura vécu médicalement un martyre. Après une opération réussie en 1999, il va souffrir – de 2004 à 2015 – de ce qui sera finalement diagnostiqué comme la maladie de Lyme alors que, par erreur, il avait été initialement diagnostiqué comme souffrant d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer. Selon sa femme, il aurait été piqué par une tique en 2006, alors qu'il tournait le film Disapearances dans les forêts du Vermont. En 2016, il recevra un traitement assuré par un spécialiste qui, selon l'épouse de Kris, toujours, a ajouté « des injections intramusculaires d’antibiotiques » au protocole général. Et puis... Et puis la mort, toujours en embuscade, a fini par le rattraper. Que la terre lui soit douce et les dimanches matins du Bon Dieu les plus radieux possibles...

Alain Sanders