On l’appelait « l’homme en noir » en raison des vêtements sombres qu’il portait à la ville comme à la scène, mais aussi à cause de son comportement. Alain Sanders a décidé de lui consacrer un ouvrage : Les Couleurs de l’homme en noir : Johnny Cash qu’il publie à l’Atelier Fol’Fer. Né le 26 février 1932 et mort en 2003, Johnny Cash était un chanteur, un compositeur et un guitariste de musique country américaine classé 21e meilleur chanteur de tous les temps par le magazine Rolling Stone. Dans son livre, Alain Sanders étudie cet homme étonnant en analysant la construction de sa personnalité et la complexité de la vie d’un être qui refusait le bonheur qui aurait pu être le sien. – C.R.

— Quel est l’apport de Johnny Cash dans la musique, et pas seulement dans la musique country ?

— Johnny Cash est, avec Hank Williams, Elvis Presley, Bob Dylan, un de ces personnages qui transcendent la simple scène musicale. Johnny Cash effectivement a, par-delà la country music, influencé des chanteurs de rock, de pop et même certains groupes de rap ! Sa personnalité même dépasse la musique pour déboucher sur une manière de vivre, ce qu’on pourrait appeler une véritable attitude. On le sait peu en France où l’on connaît surtout la « variétoche » anglo-saxonne, les « trucs » à la Madona ou les errances à la Michael Jackson, mais Johnny Cash a vendu plus de disques (et ça continue après sa mort) que tous ces gens-là réunis.

— Quel fut son engagement politique et pourquoi cette empathie pour les détenus devant lesquels il s’est souvent produit ?

— Son engagement politique est (mais ce n’est pas une particularité pour les chanteurs country) éminemment patriotique. Je ne vais vous donner qu’un seul exemple. Au moment de la guerre du Vietnam, quand les Vietniks des campus brûlaient le drapeau américain, il déclara lors d’un concert devant vingt mille personnes : « On est dans un pays libre et tout le monde peut brûler un drapeau. Mais on est dans un pays libre où j’ai le droit d’avoir une arme, et le premier qui brûle mon drapeau, je le flingue. » Dans le même temps, il a été très sensible à la situation difficile des mineurs, il a consacré un de ses albums aux mauvaises manières souvent faites aux Amérindiens et il a marqué une sollicitude particulière pour les prisonniers en qui il voyait des frères d’infortune. D’où son surnom d’« Homme en noir », référence à une de ses chansons : The Man In Black où il dit porter des vêtements noirs pour rappeler les souffrances des plus faibles, des plus humbles, des plus démunis.

— Il a cultivé une image de détenu endurci et pourtant il n’a passé qu’une seule nuit en prison. Pouvez-vous nous raconter ?

— Vous avez raison. On croit, à tort, que lui-même est un ancien détenu. Alors que ce n’est pas le cas. Mais cela vient du fait qu’il a donné des concerts dans les plus grandes prisons d’Etat, notamment à Saint-Quentin. Ses concerts ont permis d’améliorer la condition de nombreux détenus et, pour certains, leur réinsertion. Ainsi, une autre légende de la country, Merle Haggard, a connu une véritable rédemption (et il fut gracié par Ronald Reagan) après avoir, alors qu’il était en prison, vu un des concerts de Cash.

— Peut-on parler de « rédemption » à son sujet ?

— C’est exactement le mot qui convient. Cash, comme beaucoup de petits Blancs du Sud, est originaire d’une famille nombreuse, pieuse, baptiste, ne manquant jamais l’office du dimanche et les chœurs gospel de son Eglise. Un de ses frères, mort très jeune, était d’ailleurs ce qu’on pourrait appeler un saint laïque. Même dans ses heures de dérive les moins glorieuses, il a toujours proclamé sa foi. On lui doit d’ailleurs un livre intitulé The Man In White (L’Homme en Blanc) sur saint Paul. Mais son ange tutélaire, c’est June Carter, de la Carter Family, qui s’est battue pour l’arracher à ses démons. Et qui y parvint non sans mal. Il ne lui a d’ailleurs survécu que trois mois. Pour l’anecdote, rappelons que le couple, June et Johnny, furent des amis très proches du pasteur évangélique Billy Graham.

Propos recueillis par Catherine Robinson

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