The Indispensable Jerry Lee Lewis

L'intégrale 1956-1962 chez Frémeaux & Associés

 

Indispensable Jerry Lee Lewis, bien sûr, mais tout aussi indispensables et incontournables Frémeaux & Associés qui, une fois de plus, une fois encore, nous proposent un trésor : l'intégrale des premiers disques (les années Sun) du Killer. Trois CD : 1956-1958, 1958-1959-1959-1962, avec des classiques comme Lewis Boogie, Great Balls of Fire, Little Queenie, Bonnie B, Ramblin' Rose, etc.

Jerry Lee est un survivant. A un point tel qu'on a fini par le croire immortel. Sa vie, ce n'est pas quatre, cinq bons thèmes possibles pour de bonnes chansons country, c'est une complète encyclopédie...

Tout commence par une jeunesse libre de p'tit gars sudiste. Aux côtés de ses cousins, Jimmy Lee Swaggart et Mickey Gilley, qui ne comptent pas non plus pour du beurre, même si leur flamboyant cousin leur a fait parfois un peu d'ombre. Pour les trois gamins, du white gospel à l'église de Ferriday, Louisiane, mais aussi, pour Jerry Lee, les deux autres étant plus frileux, une approche – extérieure, on est quand même dans le Sud profond – des bouges du quartier noir d'où s'échappent des rythmes endiablés.

Un premier mariage – il a alors 16 ans, il a toujours été précoce sur tous les plans – avec la fille d'un preacher, Dorothy Barton. Pas une réussite. Le choix de devenir pasteur baptiste et une inscription au Southern Bible Institute de Waxahachie à Dallas. Pas une réussite non plus. Sa « lecture » très swing du gospel My God Is Real proposé aux élèves de l'établissement lui vaut l'exclusion. Il chantera plus tard : Don't Boogie Woogie (When You Say Your Prayer Tonight), repris assez chichement en français par Eddy Mitchell.

En 1953, il se remarie. Mais comme il a omis de divorcer de sa précédente épouse, le voilà bigame. Don't mess the Killer avec des détails aussi triviaux... Comme il faut bien faire bouillir la marmite, il va frapper aux portes du prestigieux Louisiana Hayride. En vain. Puis à celles de la radio KWKH de Shreveport. Pas plus de succès. Une tentative à Nashville. Rien de plus.

En 1956, il arrive au studio Sun à Memphis. Sam Philips n'est pas là, mais il est reçu par Jack Clement qui lui fait passer une audition. Il interprète – mais sans convaincre – un morceau de George Jones, My Season of Heart. Retour à Ferriday où il compose End of the Road. Il sait qu'il tient là quelque chose. Aussi revient-il chez Sun où il joue son titre pour Sam Philips, présent ce jour-là au studio. Bingo, Sam Philips est emballé !

Il enregistre donc End of the Road et Crazy Arms ( de Ray Price). Un succès d'estime à Memphis et ses environs. En 1957, un double face, comme on disait alors, avec I'll Be Me et Whole Lotta Shakin' On. Rebingo ! Whole Lotta Shakin' On se classe 1er dans les charts rhythm and blues, 1er dans les charts country and western, 3e dans les charts pop.

Comme rien n'est jamais écrit d'avance avec Jerry Lee, même quand les boulevards du succès s'ouvrent devant lui, il va épouser (avait-il divorcé de ses deux précédentes épouses ? Va savoir...) sa cousine, Myra Gail, âgée de 13 ans. Les parents de Myra, qui est déjà très mature, ont un peu toussé. Mais tout ça ne fait pas scandale dans un Sud où les mariages précoces (et entre cousins) ne sont alors pas rares.

Tout va gâter avec la tournée de 1958 dans la puritaine Angleterre. Interrogé sur l'âge de sa femme, Jerry Lee, qui sent le piège, répond : « Elle a 15 ans ». Mensonge, hurlent les médias! La presse britannique se déchaîne contre lui et il doit ajourner sa tournée. Back home donc, mais précédé par le scandale british devenu un scandale yankee... C'est la descente aux enfers. Jerry Lee mettra des années à s'en relever, mais sans jamais baisser les bras, continuant de chanter dans les honky tonks qui veulent bien le programmer pour quelques dollars. Il ne cessera pas non plus d'enregistrer. Avec des hauts. Rares. Et des bas. Nombreux.

Mais il va rebondir. Grâce à la country dont il est un des meilleurs desservants. Une rédemption au bout du tunnel. Jerry Lee entre le diable et le Bon Dieu. Jerry Lee chantant des cantiques avec Elvis à Graceland se demandant l'un et l'autre, l'un à l'autre, si le fait de chanter du rock' n ' roll n'allait pas leur interdire l'entrée du paradis.

Sans jamais rien renier de ses racines sudistes, le Killer est entré vivant dans la légende. Avec des années de folie racontées par des titres immémoriaux et des reprises extraordinaires comme Me and Bobby McGee chanté façon country rock, un Chantilly Lace d'anthologie, un What' d' I Say qui fait paraître fade celui de Ray Charles, un I'll Sail My Ship qui fait oublier Moon Mullican, un Lovesick Blues qui aurait enchanté Hank Williams, etc.

God Bless Jerry Lee et qu'Il nous le garde le plus longtemps possible !

Alain Sanders

– Frémeaux & Associés, 20, rue Robert-Giraudineau, 94300 Vincennes.

 

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2018