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David
Fulmer : Jass |
Ce roman de David Fulmer est le second volet des aventures du détective créole Valentin Saint-Cyr (après Courir après le Diable) qui enquête dans La Nouvelle-Orléans du début du XXe siècle et, plus particulièrement, dans les bas-fonds de Storyville, concentré de tous les vices. Un mot d’abord du titre. Jass est le terme qui, par la suite, a donné jazz. D’où vient ce terme ? A la fin des années quarante, un musicien de jazz de La Nouvelle-Orléans, D.O Delareaux, expliquait (c’est-à-dire qu’il n’expliquait rien…) : « Je sais pas d’où c’est sorti. Je peux pas non plus vous l’expliquer parce qu’il y a des trucs qu’on sent juste comme ça, sans causer. Mais dès que j’en ai entendu, j’ai compris ! Ca, je peux vous le dire ! A l’époque, on appelait ça le jass. Après c’est devenu le jazz, mais c’était plus pareil. C’était autre chose. On n ‘est pas nombreux à se souvenir comment c’était avant. Bientôt, il en restera aucun. Plus aucun. » Ecrivain, journaliste, photographe, connaisseur du jazz New Orleans, David Fulmer donne deux explications – controversées – du terme qui viendrait soit du français jaspiner, soit du mot mandingue (une ethnie d’Afrique de l’Ouest), jassi qui signifierait « fête ». Au vrai, jass était un mot de l’argot noir de La Nouvelle-Orléans qui voulait dire « sperme » et, par extension, « énergie ». |
A Storyville, donc, quatre musiciens de jass sont assassinés dans des conditions obscures. Ce qui crée une sorte de psychose chez les musicos qui demandent à Valentin Saint-Cyr d’enquêter. Il va vite découvrir que les victimes ont toutes joué naguère dans le même groupe. Un groupe de cinq dont le dernier membre, Prince John, se cache dans une bambouseraie près du lac Ponchartrain. Le détective se met aussi sur la piste d’une mystérieuse femme fatale dans le même temps qu’il gère des amours improbables avec la jolie Justine au teint café au lait, ancienne prostituée qu’il a arrachée aux bordels. Le problème, c’est que le maire de New Orleans, la police et l’employeur de Valentin, Tom Anderson, le « roi de Storyville », font pression sur lui pour qu’il abandonne l’enquête. Ce qui a pour effet de le persuader d’aller jusqu’au bout. On est dans l’enquête policière, et même dans le thriller comme on dit aujourd’hui. On est surtout dans une formidable fresque de La Nouvelle-Orléans du début du XXe siècle avec du jass conquérant, une pincée de vaudou, des litres de bourbon, la moiteur des jours et des nuits et une sensualité qui s’étale à tous les coins de rue. De ce roman qui a valu à David Fulmer le prestigieux Shamus Award, The Washinton Post a écrit : « Si vous aimez La Nouvelle-Orléans et sa musique, ce livre va vous évoquer de doux souvenirs qui n’ont rien à voir avec les serial killers. » Ce n’est pas faux car, comme nous l’avons souligné, il y a du « reportage » dans cette promenade dans une ville atypique qui ne ressemble à aucune autre des Etats-Unis. Et D.O. Delareaux, que nous citions plus haut a raison : en passant du jass rugueux, ragtime, gutbucket, des débuts au jazz plus civilisé, on a changé d’époque. Et quasiment de genre. Alain Sanders -
Editions Payot Rivages/Thriller. |
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