Ne vous laissez pas abuser par le titre. Même s'il est question des loups, qui fascinent l'héroïne de ce roman gothique, c'est plutôt d'animaux à deux pattes, et sans doute moins sympathiques, dont il est question.

Madeline, qu'on appelle Linda, est une adolescente solitaire et sauvage, une louvette si on veut, qui découvre à travers ses jumelles une famille qui vient de s'installer en face de chez elle, de l’autre côté du lac . Le père, Léo, est rarement là. La mère, Patra (et un peu patraque somme toute...), évanescente, propose à la jeune Linda de s'occuper de l’enfant du couple, Paul. Un bambin de quatre ans très – on a presque envie de dire : trop – éveillé.

Linda entre donc dans ce foyer qui la fascine d'autant plus qu'il est en tous points différent du sien. Au fil des jours, elle va graduellement s'apercevoir que derrière cette façade lisse il y a un... loup. Mais trop tard.

Nous avons dit « roman gothique ». Ce que confirme Emily Fridlund (dont c'est le premier roman) :

– Je me suis intéressée très tôt au roman gothique et particulièrement aux œuvres Jane Eyre et Le Tour d'écrou. J'étais passionnée par cette curieuse intimité et ce rôle périphérique que joue une gouvernante dans une famille.

Dans ce contexte, on comprend mieux la métaphore des loups : « Linda voit dans leur modèle social l'écho de sa propre conviction que le pouvoir est une chose relative et changeante ».

C'est une année dans la vie d'une adolescente au cœur du Minnesota dont les bois, pour le coup, ressemblent aux sombres forêts des contes de fées de notre enfance. C’est aussi un passage – avec plus de coups que de caresses – à l'âge adulte. On navigue entre le Bien te le Mal, l'eau et le feu, une histoire toute banale et de sombres mystères.

Au fil des pages sourd doucettement une trouble angoisse. Quoi de plus normal, pourtant, que ce job de baby sitter ? Mais quoi de plus inquiétant que cette famille consumée par des croyances qui, loin d'être salvatrices, vont se révéler être mortifères ?

Le passage progressif ce cette normalité à cette a-normalité finit par nous glacer le sang. Avec, en plus de ce gamin embarqué dans la folie de ses parents, le personnage de Lilly, la camarade de classe de Linda, victime de l'un de leurs profs, un prédateur sexuel.

Le New York Times dit de ce roman incandescent : « Une histoire des loups contient le germe de nombreux romans et aborde de nombreux thèmes : comment tout enfant devient l'otage des croyances de ses parents ; comment il est étrange qu'on fasse implicitement confiance à des gens qu'on connaît peu ; comment la famille est ou n'est pas définie par la chair et le sang ».

Un premier roman. Un livre événement.!

Alain Sanders

– Éditions Gallmeister