A l'Ouest d'Eden

Bruce Holbert :

L'Heure de Plomb

 

Nous avions eu l'occasion de signaler – et de saluer –, lors de sa parution, le premier roman de Bruce Holbert, Animaux solitaires (Gallmeister, 2013). Nous attendions donc son second opus avec intérêt. L'Heure de Plomb (titre original : The Hour of Lead) est, si faire se peut, encore plus dru, plus violent, plus sauvage.

Élevé dans le piedmont des Okanagan Mountains, dans l’État de Washington, diplômé de l'université de l'Iowa où il enseigne aujourd’hui, Bruce Holbert revient, avec un même talent de conteur (on le compare à Cormac McCarthy, mais aussi – ce qui est moins évident – à John Steinbeck), à la confrontation avec la nature, un duel dont l'homme ne sort que très rarement vainqueur.

De mémoire d'homme, l'hiver 1918 dans l’État de Washington a été l'un des pires que le pays aura connu. Deux jumeaux, âgés de 14 ans, Luke et Matt Lawson en seront les victimes (parmi des dizaines d'autres). Pris dans le blizzard, transformé en blocs de glace, Luke va en mourir. Matt sera sauvé, et la scène est particulièrement forte, par une jeune maîtresse d'école, Linda Jefferson, qui serrera le corps nu du jeune garçon contre son propre corps dénudé pour le ramener à la vie. Le père des garçons, Ed Lawson, pris également dans la tempête, ne survivra pas.

Le titre du livre est emprunté à un poème d'Emily Dickinson (1830-1886) : « C'est l'Heure de Plomb/ Dont on se souvient que si on y survit/ Comme les gens qui gèlent se souviennent de la neige/D'abord – le Froid – puis/ L'engourdissement – puis l'abandon. »

Orphelin, seul avec sa mère, Matt prend en charge le ranch familial acheté par son grand-père : « Une parcelle de cent trente hectares de terres laissées à l'abandon avant d'en acheter une autre cinq bonnes récoltes plus tard et de se mettre à l'élevage de bovins, accumulant finalement cinq cents hectares d'herbe à brouter. »

Chez ces gens-là, on ne se plaint jamais. On ne reproche rien à la nature qui offre des heures heureuses, mais surtout de terribles tragédies. Dans un environnement hostile, on sort – quand il le faut – un fusil et on l'arme. Au bout de deux mois de travaux d'homme, Matt grandit d'une dizaine de centimètres et prend une vingtaine de livres de muscles noueux. Cela en impose aux hommes et cela plaît à Wendy Worden, la fille de l’épicier de la petite ville de Peach.

Lejeune homme fait face aux forces brutales de la nature, mais plus encore à la brutalité des hommes. Au fil des années, devenu un type costaud, il est capable d'un seul regard – mais aussi à coups de poings quand ça ne suffit pas – de se faire craindre et respecter. Se construire. Protéger les siens. Résister. Vivre. Survivre. L'Ouest sauvage n'est pas fait pour les mauviettes.

Alain Sanders

– Gallmeister

 

 

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