Anniversaire

George Fronval (1904-1975),
The French Cowboy

 

Le 23 février 1975, George Fronval disparaissait. Les bottes au pied et en sifflotant I’m a poor lonesome cowboy… Jacques Garnier, dit Paul Sterling, dit Gabriel Fersen, dit Franck Murray, dit Germain Fontenelle, dit Marc Izarra, dit Bernard Leroy (entre autres names in disguise), plus connu sous le nom de George Fronval s’éteignait. Dans la paix de Wakantanka. Il avait 71 ans.

Dire en quelques mots qui fut George Fronval est impossible. Pour essayer de cerner ce personnage fabuleux, rappelons qu’il fut journaliste à 18 ans, co-fondateur de Cinémonde, collaborateur de La Vie du Rail depuis sa création, conseiller technique d’un grand nombre de films, acteur à l’occasion (on le vit aux côtés de Fresnay dans La Grande Illusion), illustrateur, auteur de bandes dessinées et de près de 800 romans dits « populaires ». Pour rencontrer George Fronval dans son ranch de Fussey, en Bourgogne, il fallait passer la grande prairie, s’engager dans le défilé et émerger sur la meseta centrale. Là, derrière le cimetière, une maison aux volets verts. Dans la maison, une grande pièce. Au vrai : un musée. Au mur, des dizaines de chapeaux de cowboys, des bottes, des collections nombreuses dont une de fils barbelés... « Eh oui ! expliquait Fronval, des barbelés il y en a trois sortes sur la prairie. » Considéré comme le meilleur spécialiste européen du Far-West, George Fronval était périodiquement invité a la Convention des Western-Writers dans le sud du Texas.

Au mur de la pièce-musée, un document encore : la nomination officielle de Fronval comme marshal honoraire à Los Angeles Corral. Dans un coin, un drôle de buffet muni d’une boîte aux lettres : un meuble de chef de gare de l’Ouest. Une porte pour le courrier, une porte avec les petits casiers pour les billets. À toutes ces choses s’ajoutent encore des éperons, des lampes à mine d’or, des fers à cheval, des mors, des flèches... Cowboy, George Fronval appréciait cependant plus l’aloxe-corton bourguignon que le coca-cola... Il expliquait : « Les cowboys mangent à l’américaine : des plats salés-sucrés. Ce n’est pas très bon. Ils mettent sur les salades une espèce de mayonnaise qu’ils appellent French Dress et veulent se poser en inventeurs de la moutarde en 1905 ! Le Bourguignon que je suis en frémit et s’indigne, bien sûr ! » Quand il ne parlait pas des cowboys, Fronval parlait des Indiens peaux-rouges : « Ce sont des types formidables. Quand un Indien vous a adopté il vous fait des tas de cadeaux qu’il ne faut pas refuser sous peine de le vexer ».

Fronval a consacré un grand nombre de ses ouvrages aux Indiens. Et il était capable de raconter par le menu la vie des grands chefs. Son ami et complice, le dessinateur Marcellin, l’a d’ailleurs représenté sur une carte de vœux des années 70 en tenue de grand Sachem.

Autre cheval de bataille de George Fronval, le western-spaghetti :
— Les Américains partent des salles de cinéma pliés en deux de rire après les plans de Sergio Leone. C’est peut-être du bon cinéma, mais du mauvais western. Les cowboys ont des allures de bandits calabrais et les chevaux italiens ne démarrent absolument pas comme les chevaux américains. J’aimerais bien rencontrer Sergio Leone. Je lui demanderais ce qu’il pense du chianti fait en Californie ! On s’engueulerait, mais je suis sûr qu’on deviendrait les meilleurs amis du monde ! Le western ne peut être qu’américain. Je me souviendrai toujours du tournage de Dynamite Jack. Fernandel arrivait dans un indescriptible costume de pseudo-cowboy de vitrine ; devant mon sourire, il protesta : « C’est un vrai costume de cowboy. Il vient de New York. »

Fronval avait des dizaines de projets :
— Il faudrait monter un club western à Dijon. Pas du folklore, du sérieux ! Je pourrais faire des conférences. Et puis je possède deux films tournés en 1898 avec Buffalo Bill. J’aimerais aussi faire une causerie à la prison de Dijon ; je commencerais comme ça : « Je vous propose quelques minutes d’évasion... » J’écris pour me distraire et pour gagner de l’argent. Je vends du rêve. Mais je ne raconte jamais d’histoires. La réalité est trop riche en péripéties, en aventures.

Connaître George Fronval, parler de George Fronval, se souvenir de George Fronval, c’est faire un voyage. Un long voyage en dehors du temps et de l’espace, là où le mythe est la simple réalité. Aujourd’hui George est parti en voyage. Huit fois déjà, il était parti, et il était rentré des États-Unis. La dernière fois, avec sa grosse veste à carreaux rouges, il a bouclé ses valises pour les territoires des Chasses Éternelles. « Bonne chasse auprès du Grand Manitou » avait alors souhaité Jean Gras, son ami comédien et cinéaste, « Bonne chasse » cowboy endormi dans un petit cimetière de village, à Fussey, en Côte-d’Or.

Alain Sanders

 

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