Expo à Giverny :

"L'Atelier de la nature 1860-1910"

Les peintres américains font grosse impression...

 

Avec cette exposition d'une qualité exceptionnelle, le Musée des Impressionnismes de Giverny rend un hommage à ses propres origines : avant de se consacrer à l'impressionnisme, ce musée fut d'abord le Musée d'Art américain (fondé par Daniel J. Terra et la Terra Foundation for American Art).

C'est un événement que l'on peut goûter dans des conditions idéales (et rares à Giverny) : un musée libéré (comme le jardin et la maison de Monet, qu'on se le dise) des hordes de touristes japonais et chinois, comme des dingos du selfie... L'exposition retrace l'évolution de l'art du paysage chez les artistes américains grâce à des œuvres du XIXe et XXe siècles de la Collection Terra et quelques beaux prêts d'institutions françaises (dont le Musée d'Orsay et la BnF).

On commence avec l'Hudson River School qui regroupait des peintres paysagistes. L'un d'eux, Asher Brown Durand, recommandera à ses élèves de travailler en plein air et de se confronter à « l'atelier de la nature » (d'où le titre de l'expo). Ils suivront ce conseil.

On continue avec James Abott McNeill Whistler qui, nourri par le mouvement esthétique anglais et l'art japonais, rejetait « l'imitation servile de la nature » et prônait « une nouvelle vision du paysage ». Sous son influence des peintres américains (comme George Inness, par exemple) vont aller vers une représentation intime et romantique de la nature. On parlera dès lors de « paysages de l’esprit » ou de « paysages d'émotion ».

C'est dans les années 1870-1880 que les Américains arrivent à Giverny. Monet s'est installé dans le village en 1883 : sa présence attire des centaines de peintres d'outre-Atlantique. Ils vont finir par constituer une véritable colonie, bouleversant quelque peu (comme ce fut d'ailleurs le cas pour Monet pas toujours bien vu dans le coin) la vie de ce paisible bourg rural. Certains sont passés par l’École de Barbizon, mais ils ne jurent désormais plus que par l'impressionnisme.

Quand ils rentrent – du moins ceux qui rentrent – au pays, ils s'appliquent à adapter l'impressionnisme à la représentation des paysages américains. Non sans difficulté : le gigantisme des lieux, la différence de lumière et d’atmosphère, font qu'ils vont évoluer vers un style plus âpre. C'est ainsi – et l'expo le montre à la perfection – que, de 1860 à 1910, l'art du paysage américain va passer d'une représentation réaliste de la nature à une interprétation plus intime, puis à une mise en application du romantisme.

Tous les artistes exposés à Giverny ne sont pas forcément connus du grand public français et c'est, du même coup, un trésor que de les découvrir. D'autres, qui ont côtoyé Monet et sont parfois devenus ses intimes (l'un d'eux est même devenu son gendre), ont une renommée internationale. Comme Theodore Earl Butler (1861-1936), Theodore Robinson (1852-1896), James Abott McNeill Whistler déjà cité (devenu une icône de l'art moderne), John Leslie Breck (1860-1899), etc. Breck, qui s'inspira jusqu'à l'obsession des meules de Monet, avait demandé la main de la belle-fille du Maître (ce qui lui fut refusé, Monet n'ayant aucune envie de céder « sa » Blanche...).

L'exposition propose cinq sections selon un déroulé chronologique : « Du fleuve Hudson à Yellowstone » ; « Les paysages esthétiques de Whistler » ; « Paysages d'émotion » ; « L’impressionnisme à Giverny » ; « Une vision moderne ». L'Ouest américain est également documenté par des dizaines de photos de la même époque qui ont, et la juxtaposition de certaines œuvres le montrent, fatalement influencé la peinture de paysages grandioses.

Alain Sanders

Musée des Impressionnismes de Giverny. Jusqu'au 3 janvier (de 10 heures à 18 heures).
Illustration : Frederic Edwin Church (1826-1900). L'Iceberg (huile sur toile 55,9 x 68,6 cm ; 1875).

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2020