L'Espionne du Sud
d'Albert Bonneau enfin réédité !

 

Les femmes dans la guerre entre les Etats
(guerre de sécession)

Dans son ouvrage The American Civil War. A Military History (2009), publié en français chez Perrin en 2011, John Keegan écrit : « Les rangs des armées confédérées étaient constitués d’une grande majorité de jeunes gens issus des campagnes qui avaient laissé les fermes aux mains des hommes âgés, des esclaves quand ils en possédaient, et des femmes. La place des femmes dans la société sudiste a été fortement mythifiée, mais elle n’avait rien de romantique à l’époque. »

Ajoutons que les femmes sudistes firent preuve, sans jamais faiblir, d’une étonnante héroïcité. Pendant la guerre, bien sûr. Mais pas seulement. Citons encore Keegan : « Réconforter des hommes vaincus, restaurer leur amour-propre, fut une part majeure de la tâche des femmes après avril 1865. Cette expérience contribua à façonner les particularités des femmes du Sud. »

Pendant le conflit, elles défendirent leurs terres, leurs champs, leurs maisons. Mais nombre d’entre elles, plusieurs centaines, dans les deux camps, prirent aussi part directement aux combats. Comme cantinières, certes, mais souvent en s’habillant en homme, pour remplacer un père, un mari, un frère, tombés au front, pour être auprès de l’être aimé (à Gettysburg, une Sudiste est ainsi tombée aux côtés de son époux), voire poussées par le désir de s’émanciper.

LOn cite l’exemple de Sarah Emma Edmonds, alias « Franklin Thomas », engagée dans une compagnie d’infanterie du Michigan. Elle fut des batailles de Blackburn’s Ford, du First Bull Run, de la campagne de la Péninsule, de l’Antietam et de Fredericksburg. Elle servit ensuite comme espionne (grimée en colporteur ou en Noir). Celle-là était nordiste. Côté sudiste, une actrice de la Nouvelle-Orléans, Pauline Cushman, fit un formidable travail d’espionnage pour les Confédérés. Avec ces deux exemples (il y en aurait des dizaines d’autres), nous sommes au cœur même du thème du roman d’Albert Bonneau.

Pour aider les soldats, récolter des fonds et des vivres, elles organisèrent – et, là encore, dans les deux camps – des fêtes de charité. Elles soignèrent les malades et les blessés. Comme Clara Barton, du Massachussets, qui fut surnommée l’« Ange du champ de bataille ». Après la guerre entre les États, elle crée, en 1881, la Croix-Rouge américaine.

Dans son ouvrage Women of the Civil War, sous-titré « Soldiers, spies and Nurses » (« Soldats, espionnes et infirmières »), Darlène Funkhouser écrit à juste titre : « Les femmes soldats furent peut-être les plus courageuses des femmes de la guerre entre les États. »

Relevons quelques noms, sans distinction de choix politiques. Femmes soldats : Malinda Blalock, Sarah Edwards, Jennie Hodgers, Loreta Velasquez, Sarah Wakeman, Cathay Williams. Cantinières : Kady Brownell, Bridget Divers, Annie Etheridge, Belle Reynolds, Nadine Turchin. Espionnes : Belle Boyd, Mary Elizabeth Bowser, Major Pauline Cushman, Antonia Ford, Rose Greenhow, Nancy Hart, The Moon Sisters, Sarah E. Thompson, Elizabeth Van Lew. Infirmières et médecins : Clara Barton (déjà citée), Dorothea Dix, Phobe Pember, Susie King Taylor, Captain Sally Tompkins, Dr. Mary Walker.

Pour imaginer ces femmes, il faut se replacer dans la société nord-américaine du XIXe siècle. Elles n’avaient guère d’autres choix que d’être des « spectatrices » des actions menées par les hommes, des épouses, des compagnes, des mères. Et plus encore, peut-être, dans ce Sud aux mœurs patriarcales. La guerre ayant éclaté, les « patriarches » vinrent à manquer. Elles saisirent alors l’opportunité, volontairement ou contraintes par les faits, de combler les vides et de remplir tous les rôles tenus jusque-là par les hommes. Sans la guerre, elles ne seraient sans doute jamais sorties de leur anonymat. On disait à l’époque, au Nord comme au Sud, qu’on ne parlait d’une femme qu’à trois occasions de son existence : sa naissance, son mariage, sa mort.

Elles venaient de milieux différents. Des riches plantations, des commerces, des fermes où les petits Blancs s’échinaient à faire vivre une famille. Mais elles avaient toutes un point commun : l’amour de leur patrie, la foi en Dieu, un attachement sans faille à la famille. Elles n’étaient jusque là que d’aimables ornements ou des femmes de paysans brisées par les travaux des champs. Elles se hissèrent au premier rang, rivalisèrent avec les hommes et, bien souvent, les surpassèrent par leur courage et leur détermination.

La Sudiste Mary Terry, que nous évoquons plus haut, va endurer les horreurs d’une prison yankee et elle n’acceptera jamais de renier ses convictions. Dans nombre d’États sudistes, des monuments ont été élevés à la mémoire de ces femmes, ces steel magnolias, qui se révélèrent être des femmes de fer et d’acier, en effet, des combattantes exemplaires là même où certains hommes avaient baissé les bras.

Dans un poème intitulé Women of the South, l’écrivain Albert Sidney Morton, les a ainsi célébrées :

« Qui nous a vus partir en souriant dans les larmes ?
« Qui a méprisé les renégats ?
« Qui, faisant taire leurs craintes
« A regardé, applaudi, puis pleuré et prié ?
« Qui a soigné nos blessures avec tendresse
« Et qui, lorsque tout a été perdu,
« Nous a relevé de notre désespoir
« Quel que soit le coût du malheur ?
« Les femmes du Sud. »

L’une de ces femmes, Belle Boyd, avait 17 ans quand éclata la guerre. Pendant la Valley Campaign, elle réussira à avertir les hommes de Stonewall Jackson qu’ils devaient forcer le pas pour protéger les ponts que les Yankees se préparaient à détruire. Elle en fut remerciée par Stonewall Jackson : « En mon nom et en celui de l’armée, je vous remercie pour l’immense service que vous avez rendu à votre pays aujourd’hui. » Elle acceptera ces remerciements en répondant :
« Je n’ai fait que mon devoir. »

Le livre, le Who’s Who des femmes de la guerre entre les Etats, reste à écrire. Il le sera un jour. Et l’héroïne d’Albert Bonneau, héroïne de papier inspirée par des héroïnes de chair et de sang, y aura toute sa place.

Alain Sanders

Pour toute information complémentaire :

http://www.atelier-folfer.com

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2011