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Ayana Mathis : Les Douze Tribus d'Hattie Un certain mal de mère |
Paru en 2012 aux Etats-Unis, le roman d’Ayana Mathis, Les Douze Tribus d’Hattie, est enfin disponible aux Editions Gallmeister (dans une remarquable traduction de François Happe). C’est le premier roman d’Ayana Mathis, jeune femme originaire des quartiers Nord de Philadelphie. Un premier roman qui eut un succès immédiat. Exemple, l’appréciation du New York Times : “Ayana Mathis a une voix qui n’appartient qu’à elle, une voix souple, à la fois lyrique et implacable, capable d’offrir au lecteur un accès presque total au cœur et à la conscience des personnages”. On découvre Hattie en 1923. Quand elle débarque, avec sa mère et ses sœurs à Philadelphie. Elles arrivent de leur Géorgie natale. Pour échapper à une certaine ségrégation sans doute, mais plus encore pour fuir ce Sud rural qui épuise les corps prématurément. Au Nord, leur a-t-on dit, il y a du travail, il y a la liberté, il y a des grandes villes. Beaucoup vont vite déchanter. A seize ans, Hattie épouse un brave gars, August Sheperd. Elle aura cinq fils, six filles, une petite-fille : cinq + six + un = douze. Les douze tribus d’Hattie dont nous allons suivre les parcours chaotiques tout au long du XXe siècle. 1925.
Philadelphia et Jubilee : les deux premiers enfants du couple. Deux
jumeaux, un petit garçon et une petite fille emportés
tout jeunes par le froid glacial du Nord tueur de pauvres gens. |
1948. Floyd : le fils d’August et d’Hattie. Musicien de jazz, il part dans le Sud, croit que les Géorgiennes sont des filles faciles et découvre qu’il est plutôt porté sur les garçons. 1950. Six : le second garçon du couple. Prédicateur de circonstance à 14 ans, charlatan toute sa vie. 1951. Ruthie : la petite Margaret, dite “ Ruthie ”. Née des amours adultérins, mais finalement passagers, d’Hattie. 1954. Ella. Hattie a 46 ans quand lui arrive ce dernier-né. Elle choisira de la confier à sa sœur et à son beau-frère qui vont l’élever comme leur fille dans le Sud. 1968. Alice et Billups. Petits, ils étaient inséparables. Alice a fait un beau mariage dans la haute société black (où elle s’ennuie à mourir). Billups, qu’elle continue d’aider, traîne sa vie, cassé par le drame de sa jeunesse (un pervers pédophile). 1969. Franklin. Engagé au Vietnam. Il a eu avec sa compagne, Sissy, une petite fille, Lucille, dont il apprend la naissance à Saigon. 1975. Bell. Maquée à un délinquant, Walter. Elle vit dans le ghetto à Philadelphie et ses sœurs ne viennent plus la voir. Hattie ne se dérangera que le jour où Bell sera hospitalisée. 1980. Cassie. Retardée mentale, perdue dans ses délires pseudo bibliques, mère d’une petite Sala. 1980. Sala. La fille de Cassie. Elevée par ses grands-parents, August et Hattie. Une grande saga américaine. Avec un personnage central, indestructible, Hattie (que ses enfants surnommaient “Le Général” quand ils étaient petits). Un femme marquée, éprouvée, cabossée par la vie. Présente, mais pas vraiment aimante. Elle veille sur sa tribu, certes, mais sans réel affect. On parle de l’instinct maternel, bien sûr. Il ne rend pas pour autant inexistantes les difficultés à aimer. Ayana Mathis a su, avec un indéniable talent, se libérer des habituels clichés communautaristes. Ce qui donne à son roman une portée universelle. Alain Sanders -
Editions Gallmeister. |
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