C'est à lire !

Antoine de Caunes:

Le Dictionnaire amoureux du rock

 

Qu’Antoine de Caunes (dont nous admirions les parents, Georges de Caunes, qui était un gentilhomme, et Jacqueline Joubert, qui était une lady) aime le rock, le vrai, pas celui qu’on essaie de nous refourguer sous ce nom aujourd’hui, nous le savions. Même si sa découverte ne date que de ce jour des années soixante où il vit les Beatles (mais étaient-ils vraiment des rockers ?) à l’Olympia (1).

Il était donc the right man in the right place pour écrire un passionnant Dictionnaire amoureux du rock (Plon) où, lui qui défendit cette musique à la télé, à la radio et dans la presse (souvenez-vous : Chorus, Les Enfants du rock, Rapido), il sait faire passer sa passion.

Dans amoureux, il y a amour. Et qui dit amour, dit « choix ». Et qui dit « choix » dit sélection, élimination, discrimination. Pour retenir au final ce qui à lui – et à lui seul – semble incontournable, inéliminable, inécartable.

Antoine de Caunes en est conscient et il assume : « C’est un dictionnaire amoureux, avec tous les avantages et les inconvénients de l’amour (…). Il est partial, injuste, et loin d’être complet. Il manque du monde. Du préhistorique. Du médiéval. Du contemporain (…). Mais ce n’était pas son ambition. D’excellentes encyclopédies existent : inutile d’en rajouter une. »

Soit ! Mais il aurait pu faire une place, tout de même, ne serait-ce qu’une toute petite, à Eddie Cochran. Et à Fats Domino. Et à Bill Haley.

Par exemple. Ce qu’on aime bien, en revanche, c’est qu’il aime aussi la country sans quoi, il le sait, il n’y aurait jamais eu de rockabilly et donc pas de rock’n’roll. Et ça aussi il l’assume nonobstant un entourage qui lui fait grief « de trouver la moindre circonstance atténuante à cette musique de cul-terreux bottés et chapeautés, fiers de leur heartland réac et conservateur ».

C’est ainsi que, dans ce dictionnaire rocker, il fait une place au chanteur country Lyle Lovett dont il exalte le séduisant atypisme. Il le reçut un jour sur Canal Plus. Lyle Lovett ayant chanté Stand By Your Man (la chanson – presque un manifeste – de Tammy Wynette), De Caunes se crut malin d’entonner le morceau façon rigolarde. Le visage de Lyle Lovett se figea. Et il ne lâcha plus que deux ou trois mots pour dire : « On ne se moque pas de cette chanson ». De Caunes ne rapporte pas cet épisode dans son dictionnaire. Mais il note (preuve qu’il ne l’a pas oublié) : « Lyle Lovett pas le genre à se taper sur la cuisse (…). Un humour froid, sec, très anglo-saxon. Racé. »

Un petit reproche ? Oui. Qu’il se laisse aller, dans son « entrée » par ailleurs excellente sur Ted Nugent à un commentaire in fine, très in cauda venenum, sacrifiant au « politiquement correct » et à la « pensée unique ». Comme quoi le rock mène à tout. Surtout quand on devient vieux. Et qu’on a encore besoin d’être accepté par le « système »…

Mais on pardonne tout – ou presque – à un homme qui dit des choses intelligents sur Gene Vincent, JJ Cale, Karen Dalton, Buddy Holly, Johnny Winter. Même quand il a le culot de mettre Jacques Dutronc ( ! ) – et puis quoi encore, Dario Moreno, Luis Mariano, Tino Rossi ? – dans un dictionnaire consacré à des géants…

Alain Sanders

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(1) Au même programme, Trini Lopez et … Sylvie Vartan. Je m’en souviens comme si c’était hier : j’y étais.

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