Les routiers sont sympas...

James Anderson

Desert Home

 

Pour son premier roman, James Anderson a frappé juste et fort. « Puissant, aride et magnifique... Un premier roman merveilleusement étrange », écrit la New York Times Book Review.

Ben Jones est camionneur. A son compte, mais contractuel d'une société de transport. Son camion, c'est toute sa fortune. Tous les jours il livre, et cela tient plus du sacerdoce que du métier vu ce que ça lui rapporte, les marginaux et les fondus excentriques du désert le long de la Route 117. Pour vous repérer un peu, vous avez la HighwayUS 91, la route principale qui traverse la ville de Price du nord au sud. Au nord, vous avez Salt Lake City, capitale de l'Utah. Au sud la route vers Green River, puis Moab. Le croisement avec la 117 se fait à une trentaine de km de Price.

Sur la 117, sur un espace désert au milieu du désert, le Well-Known Desert Diner. Avec son diner qui a servi de décor à toute une série de films de série B. Et son patron, Walt Butterfield, collectionneur de motos, jadis pote de Lee Marvin (avec lequel il a servi en Corée), acariâtre, solitaire, revêche.

Cela fait des années que le Well-Known Desert Diner est fermé, malgré des panneaux qui continuent d'inciter à s’y arrêter : « Tartes maison, boissons glacées, n'allez pas plus loin ! » Si bien qu'un voyageur, furieux d'avoir trouvé portes closes a un jour tagué une inscription vengeresse sur un des panneaux : The Never-Open Desert Diner (« le diner du désert jamais ouvert »).

Pour tous ces exilés du désert, qui vont relever leur courrier poste restante à Price tous les trois mois dans le meilleur des cas, Ben est le seul lien avec la ville et le monde extérieur. Une galerie de personnages pittoresques : John qui traîne le long de la route avec une lourde croix de bois pour expier ses péchés ; Fergus et Duncan Lacey, deux frères bizarres qui ont aménagé deux wagons oubliés sur une voie qui ne conduit nulle part ; à Price, Ginny, la fille d'une des ex de Ben, gamine de 18 ans futée, mais qui s'est retrouvée enceinte et abandonnée et qui galère dans un emploi de caissière.

Comme si cela ne suffisait pas à occuper ses journées, Ben va rencontrer, dans une des maisons décaties de Desert Home, un projet immobilier ensablé pour l'éternité, Claire, une belle et étrange jeune femme qui joue du violoncelle sans cordes... Il en tombe aussitôt amoureux (au point de s'acheter un CD de violoncelle et de l'écouter...). Il ne sait rien ou presque de son histoire : fuit-elle son mari comme elle prétend ? Ou bien quelque chose ou quelqu'un de plus dangereux qu'un époux irascible ? A-t-elle des liens de parenté avec Walt ? Et, si oui, lesquels ?

Ben, qui a ses propres secrets, a jusque-là mené sa vie en évitant de faire des vagues. Non sans mérite vu qu'il est environné par des gens qui sont très à l'ouest du Mississippi (ce qui est normal, ils vivent dans l'Utah...). Mais l'apparition de Claire et, dans son sillage, celle de quelques personnages troubles dont certains qui s'intéressent à lui sous prétexte de réaliser un documentaire sur les truckers, vont bouleverser sa vie pépère.

Spécialiste de la chose, c'est-à-dire de ces thrillers qui relèvent de la grande littérature, Colum McCann écrit : « Un roman noir où brillent des fulgurances littéraires, Desert Home, le premier roman de James Anderson a quelque chose d'un mirage. Et soudain, comme des visions chimériques dans la chaleur du désert, tout apparaît : une remarquable histoire, formidablement écrite, drôle, audacieuse, intelligente et profondément touchante ».

Au point que l'on se dit : « Quand j'irai dans l'Utah, un coup de US 91 et direction Price. De là, en route sur la 117 pour retrouver, qui sait, ce mythique Well-Known Desert Diner que Ben Jones, qui s'est refait la pelote (je vous laisse découvrir comment, bien sûr), aurait eu la bonne idée de faire revivre pour les voyageurs hors des circuits battus.

Alain Sanders

– Belfond

 

 

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