Dans la lumière d'un regard

 

Ce n'est pas, à vrai dire, une biographie classique et convenue que ce livre de Franck Ligner et Gérard Quentin consacré à « l'homme au chapeau noir », Dans la lumière d'un regard, Danyel Gérard. Pas une biographie, car les deux auteurs, s'ils racontent bien des choses de la vie de l'interprète – notamment – de Butterfly, passent bien au-delà du miroir : Danyel Gérard, ils le connaissent par cœur. Et, plus que ça, avec le cœur. Mais en sachant préserver le jardin secret d'un homme qui ne l’est pas moins, secret.

En effet, comme tous les hommes dignes de ce nom, Danyel Gérard pratique la première des vertus viriles : la pudeur. Il n'est pas du genre à s’épancher ou à porter son cœur en bandoulière. C'est dire la confiance qu'il accorde à ses deux confidents – en l'occurrence, on a presque envie de dire : ses deux confesseurs – pour accepter de se confier un peu.

Dans le paysage musical français, Danyel Gérard est un cas à part. Il aura été, en France, le premier ambassadeur du rockabilly (avec Memphis Tennessee), de la country (avec l'adaptation de Oh, Lonesome Me), du twist (avec La Leçon de twist). Mais, alors qu'il était au sommet des hit-parades, il va partir servir en Algérie. Vingt-huit mois.

Dans un régiment de chasseurs alpins (ce sera son premier chapeau, la légendaire « tarte », avant le chapeau de cowboy emblématique). Sur le terrain.

Dans les djebels (il sera blessé et décoré).

Pendant temps-là, les maluches, qui avaient œuvré et manœuvré pour échapper à la riflette, vont prendre la place, toute la place. Avec des ratiches à rayer le parquet. Eux, les seules balles qu'ils acceptaient d’entendre siffler, c’était les balles de tennis...

A son retour, loin d'être découragé par l'ambiance délétère du showbiz, il va remonter en ligne. Et bientôt de nouveau au sommet. Avec plus de cinquante millions de disques vendus et cent fois plus d' « entrées » à son nom que n’importe quel autre artiste français sur internet, il peut aller la tête haute lui qui n'a jamais accepté les compromissions, les arrangements, les diktats, les révérences et les salamalecs obligés de la profession.

Dans son ranch des Yvelines, avec sa famille, ses amis fidèles (et nous ne sommes qu'une poignée à franchir les portes du sanctuaire), ses animaux (une vraie arche de Noé), il programme, loin des fracas du temps, cent projets et échafaude au moins autant de voyages et de nouvelles aventures.

Régulièrement, il se rend en Allemagne où il est une vedette absolue depuis plus de cinquante ans ! Pour mémoire : sa chanson Butterfly, qui fut et reste un succès interplanétaire (elle fut classée en 1971 dans les charts américains entre Elvis Presley et James Taylor), est toujours au sommet des charts d'outre-Rhin !

Butterfly, bien sûr, mais aussi des dizaines d'autres titres de son propre répertoire ou créés pour d'autres artistes, comme Les Vendanges de l'amour (pour Marie Laforêt), Mourir ou vivre (pour Hervé Villard), L'Incendie (pour Richard Anthony), etc.

Danyel Gérard n'a jamais oublié qu'il a commencé sa « carrière » de chanteur au sein des Petits Chanteurs de la Maîtrise de Notre-Dame, sous la direction de l'abbé Vautrin qu'il n' évoque jamais sans émotion. La devise de l'abbé était  : « Si on ne croit pas, on ne peut arriver à rien ». Danyel Gérard fit de cette maxime sa base de vie. Ce n'est pas un hasard si une de ses chansons s'appelle tout simplement Je Crois. L'un des moteurs de Danyel Gérard – et on peut le révéler pour en avoir été un témoin régulier – c'est l'amour qu'il porte à sa famille. A sa maman, aujourd'hui décédée, et à ses deux filles. Il y a du patriarche chez lui, du chef de clan. Et sans qu'il soit besoin de faire de longs discours : il sait qu'il n'y a pas d'amour, mais seulement des preuves d'amour.

Le livre de Franck Ligner et Gérard Quentin permet de (re)découvrir la dimension d'une star, d'un artiste hors norme, et les blessures d'un homme qui, s'il a tout pardonné, n'a rien oublié. Ni le bien, ni le mal qu'on lui a fait comme dit la chanson d’Édith Piaf reprise, en 1961, par les légionnaires du 1er REP qui furent les frères d'armes de Danyel en Kabylie...

Une de ses chansons s'appelle Les Temps changent. Lui, il ne change pas. Et c'est – aussi – pour ça que nous l'aimons.


Alain Sanders

Éditions BoD, 12-14, rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris (postface d'Alain Sanders).

 

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