On le pensait indestructible tant sa stature, son intelligence, sa gentillesse, son humour et ses connaissances encyclopédiques semblaient le mettre à l'abri des mauvais coups du sort. Il a pourtant été rattrapé par la maladie. Et puis, l'autre soir, cet appel de Domi, sa compagne, pour nous dire qu'il avait rejoint le honky tonk des anges. Peter Lacoste, leader emblématique du groupe Bus Stop est descendu à l'arrêt. Et il n'est pas remonté dans le bus.

Dire que nous aimions Peter serait encore ne rien dire. Nous l'aimions avec le cœur. Il va nous manquer. Il me manque déjà après tant d'années de solide amitié et de compagnonnage au sens médiéval du terme

. Un jour, il était venu, avec Domi, fêter mon anniversaire. De Metz, où il habitait, il n'avait pas hésité à embarquer dans sa Mercédès et à faire 350 kilomètres pour me faire la surprise de sa présence, les bras chargés de cadeaux.

Grâce à son talent et sa rigueur morale, il avait fait de Bus Stop un groupe totalement atypique dans le paysage country en France. .

Et d'abord parce que, à la différence des perdreaux de l'année qui ont découvert la country il y a deux jours, il était tombé dans la country et le rockabilly dans les fifties via les bases US en Allemagne.

Ainsi ne se contentait-il pas de chanter. Sur scène, avec Domi, Bernie, Rod, Jeff, Flamm, Didier, Marc, Fred Amman, il historicisait, il pédagogisait, il anecdotisait, et il rendait les spectateurs plus intelligents.

Solide comme un roc – au moins le pensait-on – il convoquait les géants : Elvis, Hank Williams, Gene Vincent, Buddy Holly, Eddie Cochran, Carl Perkins, Rick Nelson, Bobby Helms et les autres. Et il s'amusait à faire revivre des raretés comme How Much Is That Dog In The Window ? (que chanta Line Renaud sous le titre Combien ce p'tit chien dans la vitrine?). Il fut, à ma connaissance, le seul à interpréter la version chantée du morceau des Shadows, Apache. Pour le reste que du bon : country, blues, rockabilly, ballades western, rhythm & blues, western swing, tant il savait que la frontière est souvent mince – à peine l'épaisseur d'une feuille de cigarette – entre ces genres.

Écouter Peter Lacoste et Bus Stop, c'était comprendre plus, comprendre mieux, la musique que nous aimons et que nous défendons. Il pouvait vous faire une demi-heure sur la seule explication – indicible pour de chastes oreilles – du mot rock'n'roll.

Bus Stop, en anglais, c'est l'arrêt de bus. En référence au film de Marilyn Monroe (et Domi interprète à ravir son « poupoupidou »). Un bus qui roulait au super, un vrai plaisir d'essence.

Peter a rejoint les Riders In The Sky, un des grands morceaux de son répertoire. Que la terre lui soit douce. Mais, mon Dieu, I'm so lonesome I could cry..

Alain Sanders