Country Rendez-Vous de Craponne 2014

An 27 : une excellente cuvée


 

S’il n’y avait eu que deux raisons pour ne pas manquer le Country Rendez-Vous de Craponne (vingt-sept ans d’existence : c’est la belle âge) cette année, elles se résumeraient à deux noms : Jerry Kilgore et Darryl Worley.

Le premier, Jerry, qui a enflammé le samedi, chasse de bonne race : une famille fan – notamment – de Merle Haggard, la découverte un jour de George Strait, une carrière de songwriter pour les plus grands (Tracy Byrd, Clay Walker, Michael John Montgomery, etc.) et, bientôt, la consécration en tant que chanteur. Avec Jerry Kilgore, on est dans la real thing, la country hardcore.

<--- Jerry Kilgore et Alain Sanders


Darryl Worley

 


Red Wine

 

William Clark Green
 
Cattle Call

Et l’on y est resté avec Darryl Worley qui a fait le bonheur du public (qui ne voulait plus le laisser partir) le dimanche. Lui aussi a de qui tenir : un grand-père banjoïste et une maman qui chante à l’église (la grande école somme toute d’une majorité de chanteurs et de chanteuses country). Comme Jerry, Darryl est un néo-tradi, un honky tonker pur jus, très God and Country (c’est d’ailleurs le titre de son dernier album).

Sur la scène de Craponne – c’était sa première venue en France et en exclusivité pour le Country Rendez-Vous – il a emballé (à tous les sens du mot) les spectateurs avec ses morceaux les plus emblématiques : de Tennessee River Run à Awful, Beautiful Life en passant par A Good Day To Run et le très patriotique I Just Come Back From A War. Un morceau qui s’écoute, sinon au garde-à-vous, au moins les larmes aux yeux. Ce qui n’a pas empêché les remueurs de popotins de se trémousser plutôt que d’écouter. Mais ils sont irrécupérables.

On dit qu’il n’y a pas de beaux cowboys sans de belles cicatrices. Et il n’y a peut-être pas de beaux festivals sans un peu de pluie. On en a eu. Et peut-être un peu trop le vendredi soir. Mais, comme le chante Darryl Worley justement, Hard Rain Don’t Last. Et, même quand elle dure, le public de Craponne et les organisateurs qui ont le calme des vieilles troupes ne se démobilisent pas pour autant.

C’est un groupe de Frenchies, les Roving Seats (qui se sont assurés les services d’Ange Amadéi, l’un des plus grands harmonicistes européens), qui a ouvert. Ils ont fait leurs preuves : ils peuvent jouer dans la cour des grands.

 

The Whiskey Sisters
 
Acoustic Five

Ce sont des Hollandais, les Barnstompers, tout à la fois hillbillies et western swing, qui ont pris le relais. Du beau travail à l’ancienne avec une bonne relecture des fondamentaux (Johnny Cash, Little Jimmy Dickens, Lefty Frizzell, etc.). Pour suivre, le Jason Lee McKinney Band, peut-être plus americana que country sans doute, mais avec un phrasé texan qui fait toute la différence.

Le bluegrass a toujours été plébiscité et mis à l’honneur à Craponne. Cette année deux groupes d’orfèvres du genre. Vendredi, le Blue Higway, cinq musiciens qui flirtent avec le génie et, le samedi les Italiens du groupe Red Wine. On a envie de dire : Red Wine, le retour : ils étaient en effet au programme du festival il y a… vingt-quatre ans, à l’époque où ledit festival se tenait à quelques kilomètres de Craponne, à Dore-l’Eglise. Et nous sommes encore une poignée, des survivors, à nous en souvenir…

Au final du vendredi, Skinny Molly. Un groupe formé en 2004 par Mike Estes, un ancien de Lynyrd Skynyrd. Disons-le sans détour : trop de guitare tue la guitare. Même remarque en ce qui concerne William Clark Green (mais à lui, parce qu’il a joué un The Night They Drove Ol’ Dixie Down d’anthologie, on pardonne tout). “Il en faut pour tous les goûts”, me diront les gens conciliants (ce que je ne suis guère). Soit.

Le samedi – sous le soleil – les Français de Cattle Call faisaient l’ouverture. Si jamais groupe français a jamais mérité sa place sur la grande scène de Craponne, c’est bien celui-là qui n’a jamais cédé aux sirènes d’une supposée modernité (et qui finit par relever de la trahison). Avec eux – et leur chanteuse à la tessiture très 1930 – on a passé presque deux heures dans les Appalaches. Et qu’est-ce qu’on était bien…

Mignonnes et sexy, les Whiskey Sisters, Teal Collins et Barnara Nesbitt, entourées de leur sidemen, ont incontestablement fait le show : bonne présence scénique, belles harmonies vocales, de petits airs (je parle des chansons…) coquins. Mais trop country pop à mon goût, voire même carrément variétoche parfois. Ce qui n’est pas un reproche que l’on pourrait faire – et tout au contraire ! – aux Hog Maulies, des Texans de chez Texan, originaires de Lubbock. Avec eux, on est aux antipodes de la soupe nashvillienne.

 

Texas Martha
 
Sarah Savoy

Dimanche, j’ai été bluffé par un autre groupe frenchie, Acoustic Five, Ces five-là sont en fait six sur scène. J’ai été conquis par la voix, la drôlerie, la discrète élégance de leur chanteuse, Isabelle Staron.

Encore le Texas – et what else dans le fond – avec Texas Martha & The House Of Twang. Texas Martha, alias Marty, c’est Marha Fields qui se trouve être, excusez du peu, la cousine de Loretta Lynn. C’est un personnage. Et si le mot twang (cet accent particulier qui fait que l’on est country ou qu’on ne l’est pas ) a été créé pour quelqu’un, c’est bien pour elle. On devrait la revoir en France puisqu’elle partage désormais sa vie et sa carrière entre Bordeaux et le Texas.

A Craponne, les finals sont toujours enlevés et enjoués. Cette tradition a été respectée avec Sarah Savoy & Hell-Raising Hayride. Sarah descend de la longue lignée des Savoy de Louisiane (son arrière grand-père, son grand-père, son père, le légendaire Marc, ont fabriqué des accordéons – et Marc en fabrique toujours – qui ont fait et font danser des générations de Cajuns). Et la relève dynastique s’annonce déjà : sur scène, outre son mari à la guitare, Sarah était “épaulée” par sa petite fille qui manie le ti’fer avec une grande conviction.

Pour présenter ce spectacle de trois jours (un événement country unique en Europe), l’excellent Johnny Da Piedade que j’ai vu, pendant la prestation de Darry Worley, scotché d’admiration dans un coin de la scène. God Bless Craponne et, si Dieu veut (et si la rivière ne déborde pas), rendez-vous l’an prochain pour de nouvelles – et belles – aventures country !

Alain Sanders

Photos : Country Music Attitude

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