1861-1865 :
les chants de la Confédération

 

Pendant la guerre dite de sécession (1861-1865), Nordistes et Sudistes vont s'opposer militairement. Mais aussi – preuve que la musique n'adoucit pas forcément les mœurs – par des chansons significatives et circonstanciées.

Quand la guerre éclate le Nord dispose, ce qui n'est pas le cas du Sud, d'une véritable industrie de publication de partitions, de livrets, etc. Un éditeur sudiste de musique – car il y en avait quand même – dira : « Le Sud doit non seulement livrer ses propres batailles, mais il doit aussi chanter ses propres chansons et danser sur ses propres musiques, les unes et les autres composées et écrites par ses propres fils ». Il sera entendu et suivi.

Parmi les États les plus enthousiastes, et peut-être parce qu'elle a déjà une longue tradition d'entertainment à la française, la Louisiane. Elle s'engage corps et âme contre l’envahisseur yankee en créant – et elle continuera de le faire après la chute de la Nouvelle-Orléans aux mains des Nordistes – un nombre impressionnant de chants de combat, de bivouac, d'amour, etc., et de musiques militaires (principalement des marches).

Nombre de ces chansons seront écrites en français. Quelques titres pour illustrer le phénomène : La Belle Louisianaise (1861), Cantate militaire (« dédiée aux zouaves de Louisiane », 1862), La Fée aux yeux doux (1862), La Fille du régiment (1863), L'Hirondelle et le Prisonnier (1861), Invitation à la valse (1863), La Pluie de perles (1862), Retour du soldat (1862), Le Rondeau des Zou ! Zou ! (1861) ; etc.

Les chefs militaires confédérés sont bien sûr à l'honneur, à commencer par Jefferson Davis et Robert E. Lee, mais aussi Johnston, Beauregard, Stonewall Jackson, John Hunt Morgan, Mosby, Anderson, Thompson, etc.

Côté danse on trouve, au moins au début car ensuite les Sudistes n'eurent plus guère le cœur à danser, des marches, des polkas, des charlestons, des schottisch, des valses, des mazurkas, des galops, des quickstep.

Si Dixie, cette « Marseillaise sudiste », reste le morceau préféré des rebelles, Bonnie Blue Flag lui dispute cette popularité. On doit ce morceau à Armand E. Blackmar (1826-1888) qui donna au Sud quelques-uns de ses plus beaux chants. Après l'occupation de la Nouvelle-Orléans, le 1er mai 1862, le général Butler, surnommé The Beast en raison de sa cruauté, convoque Blackmar. Pour continuer à travailler, Blackmar, comme tous les chefs d'entreprise de la ville, avait dû prêter serment à l'Union. Furieux de l'hostilité des Louisianais à son égard, Butler ordonne à Blackmar de détruire toutes les plaques d'impression du Bonnie Blue Flag et toutes les copies du chant. Et il annonce que sera puni de 25 dollars d'amende qui sera pris à jouer, chanter, ou simplement siffloter ce chant subversif.

Blackmar passera outre . Il sera condamné à payer 500 dollars d'amende, mais il sera surtout envoyé dans le pénitencier nordiste de Ship Islands. A l'énoncé de la sentence, Blackmar tourne les talons et, encadré par des soldats yankees, il quitte la pièce en sifflant, au nez de Butler, le Bonnie Blue Flag...

Sorti de prison, Blackmar (par ailleurs maître aux échecs : on lui doit le Blackmar gambit, toujours enseigné de nos jours), continuera de composer et d'écrire sous de nombreux pseudonymes (ce qui était plus prudent) : Beauregard's Manassas Quickstep (signé A. Noir), Goober Peas (signé A. Pender), Short Rations (signé Ye Comic), My Warrior Boy (signé A.E.A. Muse), etc.

Alain Sanders

 

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