Il y a cent ans naissait le roi du zydeco
Clifton Chenier

 

Un jour, la musique cajun a rencontré le country blues. Leur progéniture ? Le zydeco. Qui a eu son roi : Clifton Chenier, accordéoniste de génie. Question : en quoi le zydeco se distingue-t-il vraiment des autres courants musicaux de Louisiane ? Réponse : par ses origines, certes, mais aussi par les instruments employés.

Les origines d’abord. A la différence du swamp blues de Lightnin’ Slim, Lonesome Down ou Slim Harpo, ou du jazz de musiciens créoles comme Kid Ory ou Jerry Roll Morton, le zydeco a des origines françaises. Une sorte de mariage entre l’identité des Cajuns et le jump blues de New Orleans. A savoir : des Acadiens déportés du Canada par les Anglais au XVIIIe siècle et des Noirs de Louisiane. Rappelons au passage que le mot zydeco est la déformation du mot haricot (voir le morceau Les z’haricots sont pas salés).

Les instruments ensuite. Les musicos de zydeco utilisent bien guitares et saxos, violons et accordéons. Soit l’accordéon diatonique, soit (dans la plupart des cas) l’accordéon-piano.

Incontournable, aussi, le rubboard qui sert à marquer le rythme. Cousin du washboard (la planche à laver), le rubboard est une tôle ondulée que l’on gratte à l’aide d’objets divers (clefs, décapsuleurs, cuillères).

Les thèmes du zydeco ne sont guère éloignés de ceux du blues. Prenons une des chansons les plus connues, celle citée plus haut, Les z’haricots sont pas salés. Ce thème peut sembler trivial, mais il évoque les inspirations les plus anciennes du blues rural : la solitude, l’amour trahi, le désenchantement. Si les z’haricots sont pas salés, c’est que la femme aimée, celle qui savait les cuire et les saler à point, est partie les faire cuire ailleurs, pour un autre galant… A comparer avec le morceau country Milkcow Blues qui, par-delà le symbole de la vache qui a disparu de son étable, raconte l’histoire toute… bête d’une femme qui a pris ses cliques et ses claques (rappelons qu’au Texas dire d’une femme qu’elle est « belle comme une vache » est un compliment…).

Mais, au-delà des thèmes geignards du type qui pleure sur lui-même – et ça, c’est du blues –, on est en Louisiane où l’on aime rire, danser, faire la fête se retrouver entre amis. Et ça, c’est du zydeco. Avec des titres comme Allons à Lafayette, Bayou Pon Pon, Parlez-nous à boire, ou l’emblématique Laisse le bon temps rouler.

Clifton Chenier est né à Opelousas, Louisiane, le 25 juin 1925. En 1942, avec son frère Cleveland, il intègre un orchestre de Lake Charles, Louisiane, le Clarance Barlow Band. En 1947, les deux frères forment le Hot Sizzland Band. En 1954, Clifton à l’accordéon et Cleveland au rubboard, ils enregistrent deux titres pour le label Elko : Louisiana Stomp et Clifton Blues. En 1957, passés chez Checker (label de Chicago), ils gravent Bayou Drive et My Soul.

Pour le label texan Arhoolic, Clifton, qui utilise désormais des saxos et des guitares électriques, enregistre son premier album, Louisiana Blues. Avec son frère, il se produit dans de grands festivals, jusqu’en Europe (l’American Folk Blues Festival, le festival de Montreux en 1975). En 1970, Clifton part en tournée avec Jimmy Reed (un des géants du Chicago Blues) et le maître du swamp blues, Lightnin’ Hopkins. On le verra aussi sur les écrans, dans le long métrage de Las Blank, Dry Wood and Hot Pepper.

En 1977, concert au Palace à Paris (un souvenir impérissable) et un album live qui tient du chef d’œuvre. En 1987, amputé des deux jambes (comme le chanteur country Waylong Jennings et pour les mêmes raisons : un diabète mortifère), le roi du zydeco s’éteint auprès des siens à Lafayette.

Alain Sanders

 

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