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Thierry Bouzard : Chants et musiques des combattants de la Guerre d'indépendance américaine |
Le 19 octobre 1781, près de Yorktown, les troupes américaines et françaises forment une haie. Les troupes anglaises, vaincues, arrivent. Leurs tambours ne battent pas la chamade, mais une marche lugubre. A leur tête, le major-général O'Hara. Il remplace le général Cornwallis qui s'est fait porter pâle. Il tend son épée à Rochambeau. Et, selon une légende bien établie, les Britanniques repartent en chantant The World Turned Upside Down (« Le monde est cul par desus tête »). En fait, comme l'a démontré dans son essai de 1998 Arthur Schrader, il n'en a rien été et ils sont repartis en silence (www.colonialmusic-org/Resource/Schrader.htm). Dans Chants et musiques des combattants de la Guerre d'indépendance américaine, la première étude du genre en France, Thierry Bouzard aborde, via cette guerre, l’histoire militaire sous l'angle musical. En confrontant et en comparants les répertoires – chants et musiques – des protagonistes de ce conflit : Anglais, Allemands (notamment les Hessois qui servaient comme mercenaires chez les Britanniques), Français, Espagnols. En soulignant la naissance d'un répertoire spécifiquement américain et le début de la disparition du répertoire indien. Thierry Bouzard écrit : « La plupart des soldats ne sont pas musiciens, néanmoins ils ont tous besoin de divertissements et la chanson constitue à l'époque un moyen prisé de partager des moments de détente ». Par-delà
leur intérêt historique, ces chansons sont de précieux
témoignages de la mentalité – voire du mental –
de la troupe. |
Ainsi, quand les Insurgents chantent The Rich Lady Over The Sea, pas besoin d'être très futé pour comprendre la lady en question, la lady d'au-delà des océans, c'est la Grande-Bretagne. Autre chanson des Insurgents, et qui a passé, elle, l'épreuve du temps, le célèbre Yankee Doodle. A l'origine, c'est un morceau écrit par un chirurgien de l'armée britannique, le docteur Richard Schuckberg, pour ridiculiser les Insurgents (1). Ces derniers vont s'emparer de la mélodie et lui coller des paroles qui se moquent de la retraite précipitée des Anglais de Concorde à Lexington après leur défaite. D'autres titres parlent d'eux-mêmes : Liberty Song (écrit par John Dickinson sur l'air de l'hymne de la Royal Navy, Heart Of Oak) ; Free America (écrit par le docteur J. Warren, tombé à la bataille de Bunker Hill, sur l'air de British Grenadiers) ; Johnny Has Gone For A Soldier, un morceau dû à des Irlandais, lesquels Irlandais composaient quasiment la moitié des forces de Washington ; etc. Côté français, le répertoire d'Ancien Régime est bien connu puisqu'il a traversé les siècles : Auprès de ma blonde (connu depuis 1704 sous le titre Le Prisonnier de Hollande) ; Trois jeunes tambours (avec son entraînant et ri et ran, ranpataplan) ; Le Roi a fait battre tambour ; Fanchon (vieille chanson à boire qui sera remise à l’honneur par les troupes de Napoléon) ; etc. L'approche très savante, très fouillée, de Thierry Bouzard, est de celles qui peuvent passionner aussi bien les historiens que les musicologues (qui sont parfois les mêmes). En effet, si selon un vieil adage, en France tout finit par des chansons, il n'en est pas moins vrai que tout peut commencer par une chanson. Ces témoignages éminemment populaires sont souvent un reflet plus chargé des réalités du terrain que des textes réputés plus « sérieux ». Et une chanson comme Petit Soldat de guerre (qui date du XVIIe siècle) : « Je m'en vais à la guerre / Au service du roi / Et lon lon la / Au service du roi », nous en dit tout autant qu'un pesant grimoire sur le recrutement dans les armées d'Ancien Régime. A signaler que dans cette remarquable étude, toutes les pièces musicales (marches, batteries, chansons) sont publiées – ce qui est précieux – avec leur partition. Alain Sanders _________________________________________________ (1)
Sa première publication remonte à 1768. Schuckberg s'était
inspiré d'une chanson des combattants royalistes de Charles 1er,
une chanson qui se moquait des partisans de Cromwell, les « Têtes
Rondes ». |
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