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James Lee Burke : La Nuit la plus longue Comme un ouragan… |
De La Pluie de néon à La Descente de Pégase en passant par un chef d’œuvre, Dans la brume électrique avec les morts confédérés, on chemine avec Dave Robicheaux, policier louisianais attaché à son petit monde des bayous comme une moule à son rocher. On l’en arracherait, comme certains rascals ont essayé de le faire au fil de ses aventures, il en mourrait. Durant l’été 2005, l’ouragan Katrina a quasiment détruit La Nouvelle-Orléans et défiguré (mais, Thanks God, elle s’en est relevée) la Louisiane. On a tous vu les images terrifiantes de ce cataclysme et on a souffert avec cette population pour laquelle nous avons, à bien des égards, de l’affection. Ce qu’on a moins su, c’est que par-delà les fureurs de la nature, il y eut des prédateurs, des pillards, des violeurs, pour ajouter au désespoir des victimes en se conduisant comme des bêtes fauves. Déjà
laminés par Katrina, bien des gens tombèrent de surcroît
sous les griffes de ces fauves. Certains les repoussèrent les
armes à la main. Aussi, quand Robicheaux est appelé pour
enquêter sur la mort de deux jeunes Noirs flingués alors
qu’ils mettaient une villa à sac, ne se pose-t-il pas trop
de questions sur les circonstances de cette fusillade. Sauf que les
deux voyous abattus sont des voyous de la pire espèce, qu’un
de leurs complices s’en est tiré, et qu’il semble
que les malfrats se sont attaqués à une maison qu’ils
auraient mieux fait d’éviter… |
James Lee Burke a cela de bien (et ce n’est pas un hasard si son second prénom est Lee) que, s’il ne cèle rien des vieux démons de la Louisiane, il ne se croit pas obligé de voir le monde en noir et blanc ou de tomber dans la repentance, ce phénomène à la mode. Il sait que là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie, et que cela n’a rien à voir avec la couleur de la peau. « Au cœur de ce livre se trouve l’idée que la sécurité est une illusion » a écrit le New York Times. C’est vrai. Et il y a quelque chose de fascinant dans le fait de constater combien une civilisation est fragile. Comment le vernis d’une société apparemment policée peut craquer en quelques heures sous le poids des événements et basculer dans la sauvagerie et l’horreur. Aidé par son pote Clete Purcell, un ancien du Vietnam (comme lui), toujours armé comme un porte-avions, soucieux de protéger sa fille, Alafair, et sa nouvelle épouse, Molly, Robicheaux évolue dans l’après Katrina sans toujours éviter les chausse-trappes. Mais il a son port d’attache, sa maison au bord du bayou où, au coucher du soleil, on peut s’imaginer que l’ouragan, les pillards, les monstres, les freaks de tous ordres, n’auront été qu’un mauvais rêve. Avec une certitude : ceux qui voudraient toucher un seul cheveu de la tête de Molly et d’Alafair ne méritent rien d’autre que trois balles dans la peau. Donc pas d’angélisme chez James Lee Burke, pas de refrains sirupeux genre « Lorsque les hommes s’aimeront d’amour », pas de discours moralisateurs. Face à une force brutale et sauvage, on ne peut répondre qu’en lui opposant une force supérieure. Au risque de bavures ? Sans doute. Comme disait Kipling, « les principes sont les principes, dussent les rues en ruisseler de sang »… Alain Sanders ___________________________________________________ - Payot, Rivages/Thriller, 106, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris. |
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