Le dernier livre d'Alain Sanders

Bal(l)ades texanes
Petit guide sentimental au cœur de l'Etoile solitaire

 

Stetson sur la tête, Bal(l)ade au Texas, avec Alain Sanders

Le premier État américain que j’ai visité en 1979, c’était le Texas. Depuis, il y eu 12 autres voyages aux USA, sans que je retourne dans « L’État de l’étoile solitaire ». Jusqu’à ce que j’ai entre les mains le dernier ouvrage d’Alain Sanders, Bal(l)ades texanes, sous-titré : « Petit guide sentimental au cœur de l’étoile solitaire ». Et, en lisant les 213 pages de cet ouvrage articulé en une bonne soixantaine de petites rubriques, je me suis immédiatement retrouvé là-bas, du côté de Houston, entre Del Rio et Alamo ou quelque part du côté de Galveston ou d’Austin. Tout me revenait et, en plus, je découvrais de nouveaux sites, de nouvelles adresses, d’autres lieux inconnus faisant saliver rien qu’à les évoquer. Pour me consoler de ne point y être physiquement, j’ai décapsulé une bonne Budweiser bien fraiche comme Sanders, ce fan d’Amérique, ce « Croisé » des « cinquante étoiles », ce fada des « States », ce cinglé des USA – pire que moi –, « écluse » un Bourbon ou déguste un cocktail sous une véranda orientée plein ouest… Pour quoi faire ? Pour y admirer le soleil couchant du côté du Rio Grande et du Big Bend.

« Texas for ever »

Jadis et naguère, lorsque je regardais la série télévisée Walker Texas Ranger, la silhouette de Chuck Norris me faisait immanquablement penser à l’ami Alain : même look, même dégaine, même allure. Mimétisme ? Une certitude, Norris a copié Sanders !

Notre auteur est un cas : professeur diplômé en littérature, il a baroudé sur tous les continents. Il n’y a guère, je pense, que les pingouins qui n’aient pas reçu sa visite ! Asie, Afrique, Amérique centrale, il est allé partout où ça chauffait, pendant et après la guerre froide. Mais il est un pays qui, je crois, le fascine le plus, c’est l’Amérique des westerns, des pionniers et des Indiens, celle des héroïques confédérés, des petits gars d’un matin du 6 juin en Normandie, des marines au Vietnam, du Parti républicain contre les démocrates. Mais, dans ce gigantesque sous-continent, c’est un morceau plus grand que le France, le Texas, qui tire cette appellation du nom indien Tejas, qui retient toute sa bienveillante attention. D’ailleurs, notre auteur l’avoue lui-même dans son introduction, Texas forever, où il écrit : « Je ne suis pas né au Texas, mais j’y suis allé aussi vite que j’ai pu. Définitivement conquis »… Et nous avec. Car ce livre, une fois reposé, à lire d’une traite ou à déguster chapitre par chapitre, comme on goûterait une bonne blonde par petites gorgées, ne donne qu’une envie, c’est d’aller bien vite dans ce vaste État pas tout à fait comme les 49 autres. C’est le seul qui intégra l’Union en étant indépendant, et qui négocia souverainement, en 1845, cette admission. À un point tel qu’un officier de réserve, en 1942, recevant son fascicule de mobilisation contre le Japon, demandait si le Texas était, aussi, en guerre contre « l’Empire du Soleil levant ».

Country et « two step »

Avec Sanders, on visite tous (ou presque !), les hôtels de charme du pays qui nous éloignent des motels standards des grandes chaines, Motel 6, Super 8 Motel ou Ramada Inn, que ce soit au la Ye Kendall Inn à Boerne, au Stockyards Hôtel à Fort Worth, la ville-sœur et rivale de Dallas, le Gage Hôtel à Marathon ou le Desert hills de Del Rio. Avec Sanders, pas de bal(l)ade américaine sans country music, lui qui anima en spécialiste incontesté, la revue Country Music Attitude dont j’ai gardé tous les numéros. La musique, comme les danses pratiquées dans le coin, n’ont aucun secret pour lui, et nous saurons tout, tout, tout sur les sons et les pas entendus et pratiqués dans les honky tonks du fin fond du Texas : « Comme dans la demeure du Bon Dieu, il y a plusieurs chambres dans la maison country », écrit-il. C’est vrai que l’on peut passer du bluegrass du Tennessee et du Kentucky, au zydeco de la Louisiane, sans oublier le hillbilly des Appalaches et, bien évidement sur ces terres limitrophes du grand voisin mexicain, la musique tex-mex. Pareil pour les danses pratiquées sur les parquets de Bandera, d’Austin ou d’Amarillo : two-step et line dance à gogo. Mais Sanders nous emmène aussi visiter un Texas d’anthologie, comme il aime souvent à utiliser ce mot, à Langtry, par exemple, où le saloon du juge Roy Bean et son Visitor’s Center attendent le touriste. Mis en vedette dans les aventures du cowboy Lucky Luke créé par le regretté Morris, la modeste baraque conservée (reconstituée ?), nous resitue dans le contexte de l’époque, celle des pionniers et des outlaws, ces derniers écumant la contrée « à l’ouest du rio Pecos », affluent du Rio Grande. Le saloon du juge était baptisée The Jersey Lilly, en l’honneur d’une actrice et danseuse anglaise, née à Jersey, qu’affectionnait particulièrement le judge Roy Bean. Ici, on rendait la justice dans ce saloon, transformé selon les circonstances, en temple de la déesse Thémis. Sanders nous explique que l’original magistrat est mort en 1903, sans avoir jamais pu réaliser son rêve : rencontrer Lillie à Langtry, localité portant le nom de l’actrice. Laquelle, ironie du destin, vint dans « sa » ville en… 1904, un an après la disparition de son admirateur qui, comme le dit notre auteur, « était parti depuis un an vers un autre juge. Suprême celui-là ». Et dans un court chapitre, Alain Sanders nous brosse le portrait de « Lillie Langtry, la belle de Jersey ».

Alamo appelait la revanche de San Jacinto

Mais le Texas, bien sûr, c’est avant tout l’héroïque résistance du Fort Alamo. À l’origine, cette construction n’était qu’une simple mission, comme beaucoup sont éparpillées aux confins américano-mexicains. Ici se déroula un combat acharné, qui n’est pas sans nous faire penser à un autre fait d’armes ultérieur : Camerone. Le 6 mars 1836, des milliers de soldats mexicains commandés par le cruel général Santa-Anna, dictateur de son pays, partaient à l’assaut de la mission transformée en fortin défendu par moins de 200 volontaires. Le cinéma, avec le film Davy Crockett des productions Disney, et Alamo avec le fameux John Wayne, ont immortalisé la geste de ces héros indépendantistes qui luttaient pour leur liberté. Outre le nom du célèbre trappeur dont tous les petits garçons de mon âge voulaient porter la tenue, on retiendra ceux du colonel Travis, chef de la garnison, et celui de Jim Bowie, qui donnera son nom à un célèbre couteau. Si Alamo fut une défaite texane, la bataille de San Jacinto du 22 avril 1836 – le site est désormais enclavé dans l’agglomération de Houston – sera la revanche du général Sam Houston, commandant en chef de l’armée du Texas, qui deviendra président puis gouverneur de son « État », lorsque celui-ci sera incorporé aux States. C’est au cri de « Remember the Alamo », que le président-dictateur-général Santa-Anna connaitra son « Waterloo, morne plaine ». Les soldats de « l’État de l’étoile solitaire », surprenant leurs ennemis, ne feront pas de quartier : les corps de 600 Mexicains joncheront le champ de bataille que commémore aujourd’hui un obélisque de 170 m de haut, à deux pas du cuirassé de l’US Navy Texas lancé en 1912, vétéran de la guerre du Pacifique, amarré dans une darse du Buffalo Bayou.

Sanders, la « Texas attitude »

Tout cela, Sanders nous le raconte avec son habituel style enlevé et imagé. Il y aurait bien d’autres anecdotes à citer, mais je ne saurais trop recommander aux afficionados de l’histoire, avec un grand « H », ou à l’amateur des coulisses de cette histoire, au voyageur hésitant encore à franchir l’océan, de se procurer le bouquin d’Alain Sanders et son élégante jaquette aux couleurs du Texas. Un livre qu’il aurait pu intituler : Le dictionnaire amoureux du Texas.

Jean-Claude Rolinat

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2019